Pour préserver Le Zéphyr de la crise financière qui coule les médias, nous sommes partis en quête d’un modèle économique innovant, aussi éthique que viable.

On envoie un SMS à notre développeur-hipster. Depuis trois semaines, nous tentons d’imaginer un nouveau modèle économique pour Le Zéphyr. Nous avons déjà expérimenté plusieurs formes de paywalls (ce fameux bandeau qui barre l’écran alors que l’article commençait justement à devenir intéressant, pour vous annoncer que « la lecture est réservée aux abonnés » et vous proposer d’adhérer ou de vous abonner), mais est-ce vraiment ce qu’il nous faut ? paywall

Paywall or not paywall ?

Au départ, inspirés par Le Monde, Le Zéphyr avait opté pour du freemium : deux tiers d’articles gratuits, pour vous montrer ce qu’on sait faire, et un tiers de payants, pour (sur)vivre. Mais, pour le blogueur Rob Howard, spécialisé dans les médias, ce modèle « est le pire de tous, car, mêler gratuit et payant revient à dire que les deux tiers de vos publications n’ont pas vraiment de valeur. C’est totalement absurde ! »

Il nous convainc et on passe à autre chose. On opte pour du « hard-paywall », c’est-à-dire du 100 % payant. Conséquence : comme le prédisait le Guardian, plus de 80 % de nos lecteurs nous abandonnent à la vue du paywall. Ils n’avaient pas tort : et vous, vous payeriez 12 € pour télécharger l’album d’un artiste dont vous n’avez entendu que 30 secondes de la première chanson ?

Alors oui, c’est vrai, vous achetez bien des magazines à 5  € sans savoir ce qu’il y a dedans… ! Oui, mais là, on parle de magazines papier. Attendez, on me dit dans l’oreillette que vous avez tout de même souscrit à des abonnements à des médias web ? On parie que ce sont des revues en ligne dirigées par des personnalités connues (Mediapart, voire Les Jours des anciens de Libé) ou par des personnes que vous connaissez personnellement et que vous soutenez de facto ? Ou alors ce sont des sites associées à un magazine papier ?

Que faire ?

– On pourrait proposer une période d’essai ! s’est-on dit. Un mois gratuit, puis on demande de payer, par exemple en envoyant un e-mail.

– Super ! On peut aussi faire une newsletter ! 

– Exact ! Une newsletter hebdomadaire. Ils en reçoivent 4, ils ont le temps de découvrir, et si ça leur plaît, ils s’abonnent.

– Je vais faire une newsletter vraiment appétissante avec des plus, des surprises…

– Top !

C’est notre minute « l’art de réinventer le fil à couper le beurre pour mettre dans les épinards« . Et, évidemment, l’idée nous semble au début géniale. Mais nous sous-estimons… les pertes en ligne. facebook est une drogue

Booster le buzz

Google Analytics est formel : avec un ratio d’un abonné (à l’essai) pour 300 lecteurs par jour, nous devons battre des records de visibilité pour attirer le plus grand nombre de « clients », pardons lecteurs.

Comment booster ce chiffre ? Surinvestir les réseaux sociaux ? Notre CM n’est pas contre, mais il nous raconte à longueur de journée que les RS, comme il dit, c’est entre 20 et 40 % du trafic, selon les mois (Merci les algorithmes de Facebook).

– Mais on peut améliorer ce score ?

Alors, on pond plus de tweets, on tient compte davantage des trends (les mots et les sujets les plus traités à une heure T sur Twitter), on repartage plus nos propres posts Facebook, on change les horaires de publication et on cherche le meilleur horaire (13h ? 17h ? 11h ? 21h ?), on diffuse des vidéos qui résument en quelques instants un article de 10 000 signes, des vidéos pour mettre en avant le sommaire de notre home.

On s’intéresse aussi au SEO (le référencement naturel). Selon les stats, entre 40 et 55 % du trafic provient des recherches Google (ou d’autres navigateurs). On ajoute des balises h1, on muscle les balises alt dont raffolent les robots Google (désolé, chers lecteurs, d’être techniques…).

Puis, on réduit la taille des images, peaufine les URL, accélère la vitesse de chargement des pages, et on essaye de d’améliorer la home pour vous inviter à continuer la promenade virtuelle en arrivant sur lezephyrmag.com…

Miracle de la technologie : les statistiques décollent enfin ! Chaque jour, à notre plus grand ravissement, un ou deux lecteurs optent pour un essai gratuit pour recevoir notre newsletter chaque mardi à 17h (selon les reco’ de trois sites spécialisés). Le début d’une belle histoire… puis le drame.

le business model du Zéphyr

 Bienvenue au Club !

Qu’il est difficile de transformer « l’essai gratuit » en abonnement annuel ! Caramba, encore raté ! Notre newsletter est pourtant pleine de « perles du web » et autres bons plans. Mais que demande le peuple ?

En analysant les rapports du site de newsletter Mailchimp, on découvre, stupéfaits, que le taux de réception ne dépasse guère les 30 %, et que le taux d’ouverture plafonnait à 10 %.

Dépités, nous apprenons sur quelques sites spécialisés que l’efficacité des mailings est en réalité très faible, les internautes donnant souvent une fausse adresse email ou une adresse secondaire. Bref, l’email ne paye plus ! Game over. Insert coin. Try again.

Nous apprenons un peu plus tard que L’Imprévu opte pour une forme de « membership » : on adhère au média comme on adhère à une association, un parti politique ou une ONG. Une approche inaugurée et théorisée par The Guardian et dont se sont fortement inspirés Arrêt sur ImagesMarianne et Mediapart. À cette époque, faut avouer que la rédac était mitigée.

– Tu sais, The Guardian ou Mediapart, ce sont des médias d’investigation, des contre-pouvoirs. Ils ont une mission. Et c’est pour ça que les citoyens-lecteurs « donnent ». Or, nous n’appartenons pas à cette catégorie.

– Non, nous aussi nous défendons de causes justes !

– Oui, mais l’investigation n’est pas notre cœur de métier…

– Alors quoi ? Demander de « soutenir un journal indépendant et sans publicité », ça ne suffit pas pour moi.

– Mais on offre aussi la newsletter, des invitations, des feuilletons…

– Jusqu’ici, ça n’a vraiment pas marché…

– On pourrait prendre un « metered paywall », comme sur Libération. Sur ce site, le paywall ne se déclenche qu’à la quatrième visite du site.

– Bof, ça se contourne facilement. Suffit de se mettre en mode privé…

– On peut aussi feuilletonner tous nos articles en plusieurs épisodes : le premier gratuit et les autres payants. Un peu comme les obsessions des Jours.

– Hum, je n’y crois pas trop chez nous… on n’est pas sur Netflix ici ! Et puis, je ne suis pas sûr que les gens comprennent.

Nous en restons là, tâtonnant, jusqu’à ce jour où l’un de nous reçoit un e-mail intitulé « Club FNAC, venez découvrir les avantages et les réductions ». La solution est sous notre nez depuis le début !

– Et si on proposait aux gens d’adhérer au « Club du Zéphyr » ?

Hum, c’est ce que font Reporterre et Mediapart, je crois. Ils ont un « club des lecteurs ». C’est une bonne idée.

Va pour le Club des lecteurs !

– Mais dans ce cas il n’y a plus d’essai gratuit ?

– Non. On est 100 % gratuit avec un message en bas de chaque article, comme sur Marianne.

– Bonne idée, allons-y ! En plus, cela favorise les partages sur les réseaux sociaux.

Trois semaines plus tard, nous comptabilisons le plus grand nombre de nouveaux abonnés de l’année ! Youpi.

Qu’en conclure ? Tout simplement que notre truc n’est pas de vendre de l’info, mais de rendre un « service journalistique » à notre communauté de lecteurs. Nous vous surprenons, ou nous tentons de le faire, et nous vous faisons vivre des aventures humaines qu’on ne lit pas ailleurs. Ce qui vous séduit sur Le Zéphyr, au-delà de nos articles, ce sont nos choix et nos efforts pour parler d’autres choses et d’en parler autrement. C’est cet « effort » que vous récompensez en adhérant au club… même si vous trouvez aussi d’autres avantages à découvrir ici.

Stu-stu-stu-studio

Connaissez vous l’histoire de vos dessins animés préférés ? Dans la série-docu  The toys that made us, on apprend que les aventures qui ont dopé notre imagination d’ados n’étaient qu’une ruse de l’industrie du jouet pour nous donner envie d’acheter des figurines plastiques. Morale de l’histoire : pas de divertissement (ni d’info) sans l’argent des industriels capitalistes, serial entrepreneurs, élites économiques et autres super-riches. Ça vous fait mal au cœur ? Souvenez-vous que même Jean-François Bizot, père du génial « Actuel », était fils de milliardaire !

Oui, les médias – du moins 95 % d’entre eux – vivent par leurs mécènes, ou leurs appartiennent. Financements directs, publicitaires, publi-rédactionnels, la dépendance des médias aux marques est entière. Et seule une très faible minorité d’organes de presse – Mediapart, Arrêt sur images, Le 1, Les Jours, Sept Info… – peuvent se prévaloir de n’appartenir qu’à leurs lecteurs. Bravo à eux !à qui appartient la presse

Nous aussi avons fait le choix de l’indépendance : la publicité est absente du site, et sera limitée au strict minimum dans la version papier du Zéphyr (nous allons faire appel à une régie publicitaire éthique pour notre mook… mais nous vous en reparlerons le moment venu). Par ailleurs, nous ne pratiquons pas le publi-rédac’ (publicité et communiqué déguisés/édités sous forme d’article).

Oui, mais pour l’instant, il n’est pas possible de ne compter que sur nos abonnés/adhérents… Il nous faut d’autres ressources financières !

– Il ne nous reste qu’une solution développer une activité parallèle dédiés aux marques et vendre des « supports de communication » pour les entreprises, les associations et les institutions, comme des magazines d’entreprise, des newsletters ou des communiqués de presse…

– On peut très bien créer une agence de contenu. Le magazine sur le futur Usbek & Rica a bien son Ubek Studio et le groupe So Press (éditeur de Society et So Foot) ont dernièrement édité le « magazine de Roland Garros« .

– Oui, ce sera un bon moyen de pérenniser l’entreprise. En revanche, on ne travaille qu’en « marque blanche », notre nom n’apparaît nulle-part, si dans l’ours : l’activité du studio ne doit pas empiéter sur notre travail pour le site…

– Oui, mais on risque quand même de passer sous l’influence d’un client. Imaginez que l’on signe un contrat avec une entreprise : pouvons-nous encore écrire sur elle ou sur son concurrent ?

– Tu as raison : il faut tuer le soupçon de collusion dans l’oeuf ! Il nous faut une « charte déontologique », qui assure la séparation éditoriale claire entre l’agence et le magazine.

Lire notre charte déontologique

Voici pour la théorie : car nous savons que la mise en pratique ne sera pas de tout repos !