Peshraw Azizi, d’origine kurde, est arrivé en Suède en 2000. Il a commencé à jouer au football et a rejoint l’équipe de Dalkurd FF (à Uppsala), composée de Kurdes émigrés dans ce pays du Nord de l’Europe. Le club s’est hissé en première division en 2017.

MAJ 17/11/2020 : Cette année, le joueur Peshraw a été transféré à Vasalunds (à Solna), club de division 1 (3e niveau, dans la poule Nord, en Suède). Quant à Dalkurd, le club est redescendu en 2e division (Superretan).

Son charisme et son itinéraire footballistique en ont fait le visage du club. Retour sur le parcours de cet acharné du ballon rond portant fièrement les couleurs kurdes.

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« Peshraw est un peu comme la maman du club », annonce d’emblée Adil Kizil, le directeur sportif du Dalkurd, l’équipe de foot suédoise jouant sous les couleurs kurdes et qui a défié tous les pronostics en faisant son entrée dans l’Allsvenskan, la première division suédoise, en octobre dernier. Peshraw Azizi en est l’emblématique capitaine. « Il est devenu le symbole de l’équipe », souligne Adil Kizil.

La rencontre se déroule à Uppsala, ville où le Dalkurd a déménagé il y a quelques semaines. Le repère des joueurs est la salle commune d’un hôtel hébergeant ceux d’entre eux qui n’ont pas encore trouvé d’appartements. Quand Peshraw arrive, les mots du directeur sportif semblent se confirmer : il serre une flopée de mains, distribue une demi-douzaine d’accolades, échange rires et boutades. Et, enfin, il approche, du haut de son mètre soixante-dix-huit, un sourire chaleureux aux lèvres.

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Le football, une arme pour s’intégrer

Peshraw, que tout le monde ici appelle « Pasha », est comme un poisson dans l’eau. Pourtant, à l’image de beaucoup de Kurdo-Suédois, son histoire est complexe, et le jeune trentenaire a dû batailler dur pour devenir un sportif renommé. L’amour du ballon rond, Peshraw l’a empoigné, pour ne plus le lâcher, quand il était petit et que sa famille vivait encore au Kurdistan irakien. « J’ai beaucoup regardé le foot quand j’étais petit. Mon père avait une équipe avec les Peshmergas, les combattants kurdes. » C’est en 2000 que la famille du joueur décide de quitter l’Irak : « Il y avait le terrorisme, les coups de feu sur les voitures, les bombes. Mon père était un guerrier qui défendait les droits de notre peuple. Il ne souhaitait pas partir, mais il s’est résigné à quitter l’Irak, pour nous offrir un futur meilleur. »

Le petit Peshraw a douze ans quand il foule pour la première fois le sol de la Suède. Le football devient alors son arme de prédilection pour s’intégrer et s’initier aux us et coutumes de la vie scandinave : « Quand je suis arrivé dans ce pays, je ne parlais pas le suédois, mais, en revanche, je pouvais jouer au foot. Parce que ce sport n’est ni en rapport avec la religion, ni en lien avec la politique. Tu as juste à venir, à jouer, et on te dit que tu peux revenir le lendemain. C’est aussi simple que ça. »

Ayant trouvé la bouée qui allait le maintenir à flot dans un pays dont il ignorait tout, Peshraw décide de s’accrocher et de devenir professionnel : « De nombreux footballeurs naissent avec un talent naturel. Je n’ai pas eu cette chance, il a donc fallu que je m’entraîne dix fois plus pour réussir à être professionnel. » Et, assez rapidement, Peshraw récolte les fruits de ses efforts en décrochant, à 16 ans, un contrat dans un important club de Stockholm, le Syrianska FC.

peshraw azizi sur le terrain

Pas froid ?

  « Une équipe jouant avec le tee-shirt kurde !« 

Parallèlement, le jeune Kurde s’inscrit à l’université, en économie, puis en filière sport. Pendant cinq ans, Peshraw se perfectionne et forge sa personnalité sur les terrains suédois. C’est au cours de cette période que le club du Dalkurd, dont l’histoire n’est pas sans écho à celle de Peshraw, commence à faire du bruit dans l’univers suédois du ballon rond. Le Dalkurd voit le jour en 2004, à Börlange, une ville de la province de Dalarna. À l’époque, l’idée est de mettre en place un projet d’intégration par le football. L’équipe est alors constituée de migrants kurdes et de joueurs écartés du club local, l’Idrottsklubben Brage, pour problèmes disciplinaires. L’alchimie opère, les entraînements se multiplient, et, parti de rien à sa création, le Dalkurd atteint le sommet de foot national en faisant son entrée, douze ans plus tard, en D1.

Durant son ascension, le club prend de l’importance, et la notoriété du Dalkurd arrive vite aux oreilles de Peshraw : « J’ai découvert le Dalkurd quand ils étaient en troisième division. Je me souviens m’être dit : « Sacrebleu ! Une équipe qui joue avec le tee-shirt kurde ! » »

Le logo du Dalkurd est une copie drapeau kurde, avec ses couleurs blanche, rouge et verte, et un soleil en son centre. À une différence près, pourtant : des chevaux entourent le soleil, or l’équidé est l’emblème de la province suédoise de Dalarna. D’ailleurs, « Dalkurd » est un mélange des mots  « Dalarna » et « Kurde », comme une synthèse que le club porte dans son ADN. La symbolique est forte, et Peshraw n’y est pas insensible : « J’ai été tenté de les rejoindre, mais l’équipe était loin de Stockholm et j’avais encore mes études, je ne pouvais pas bouger. »

Pourtant, et malgré ce premier rendez-vous manqué entre Peshraw et le Dalkurd, l’idée de défendre l’étendard kurde sur la pelouse s’impose peu à peu dans l’esprit du joueur : « J’ai compris qu’il y a avait pour moi une chance de faire quelque chose sous mon drapeau, et qui dépasserait la simple idée du football. Alors j’ai fini par rejoindre le Dalkurd 

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« Comme si on jouait pour une équipe nationale »

Il prend une mine grave, et son regard couleur nuit devient sérieux pour expliquer : « La première fois que j’ai enfilé le tee-shirt du Dalkurd, ça voulait tout dire. C’était une manière de montrer que nous, Kurdes, qui n’avaient aucun droit dans notre pays, nous pouvions être et exister en Suède. Et avoir du succès ! C’était ma façon de donner quelque chose à mon peuple et de continuer l’action de mon père qui s’est battu pour les Kurdes. »

Peshraw a alors 21 ans. « Arrivé au club, j’ai eu l’impression de rentrer à la maison », confesse-t-il avec une expression soulagée. Sous le numéro 21, le jeune homme évolue en défense. En 2010, il devient capitaine de l’équipe, et aussi le meilleur ambassadeur du Dalkurd, ce club à la réussite insolente. « Je crois que l’équipe tire sa force de deux choses. Déjà, il y a un esprit familial extrêmement fort ici, et cela te pousse à te donner à 200 %, comme quand tu joues pour les tiens. Ensuite, c’est comme si on jouait pour une équipe nationale, celle des Kurdes, ça motive beaucoup. »

Car, les Kurdes n’ayant pas d’État, aucune équipe nationale officielle ne peut évoluer dans de grands championnats. Le Dalkurd vient combler ce manque et est devenu célèbre parmi les 40 millions de Kurdes dispersés de par le monde. Un coup d’œil sur les réseaux sociaux suffit pour constater la popularité de l’équipe avec 1,5 million de fans sur la page Facebook Dalkurd Supporter.

Le Dalkurd semble être un véritable moteur d’espoir pour ce peuple en guerre et sans État, comme en témoigne cet échange que Peshraw a pu avoir avec un soldat lorsqu’il était au Kurdistan irakien, l’été dernier : « Nous étions près du front contre l’État islamique et un soldat m’a alpagué pour me demander : « Peshraw, c’est bien toi ? Mais qu’est-ce que tu fais ici ? » » Je me suis demandé si ce n’était pas un ami de mon père qui m’aurait connu petit, mais non. « Je te vois durant les matchs toutes les semaines à la télé, je te suis sur les réseaux sociaux. » Après, il a expliqué ça aux autres soldats et ils me connaissaient tous ! C’était un très beau moment. »

Peshraw a l’impression de jouer pour l’équipe nationale… en Scandinavie.Autre particularité que Peshraw et le Dalkurd partagent : leur vocation pour les projets sociaux. Parmi la multitude d’initiatives portées par le Dalkurd, le club est à l’origine de la construction de deux académies de football pour les jeunes : à Börlange, en Suède, et à Erbil, en Irak. Peshraw se déplace régulièrement au Kurdistan : « Je suis toujours en train de lancer des collectes d’argents, la notoriété du club et mon image aident beaucoup. Ensuite, je vais sur place et je m’assure que le moindre centime aille bien aux enfants kurdes. Actuellement, on travaille sur un projet de construction d’une école à Kobané. »

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Et, bien que toutes ces initiatives mobilisent beaucoup Peshraw, le capitaine du Dalkurd ne perd pas de vue sa passion pour le foot et son rôle au sein de l’équipe. Une fois encore, la combativité est de rigueur, puisque le Dalkurd inaugure son arrivée dans la plus prestigieuse des divisions suédoises, le 2 avril, par un match contre l’AIK (à Solna, tout près de Stockholm). Et bien sûr, Pasha sera au rendez-vous pour défendre ses couleurs rouge, verte et blanche. / Marie Roy