TÉMOIGNAGE – Les jeunes se mobilisent. Trois étudiantes de l’ESCP Business School ont voulu montrer que des alternatives en Europe permettent d’assurer une alimentation plus durable. Cela donne le documentaire From Farm to fork dans lequel on les voit échanger avec de nombreux acteurs en Europe. « Pour donner envie de se mobiliser, on peut mettre en avant ce qui existe », indique Juliette Fournier Le Ray, l’une des réalisatrices, qui revient sur cette expérience enrichissante.
Elles avaient la possibilité de prendre le large. Pendant sept mois, en 2021, trois étudiantes de l’ESCP Business School ont sillonné les routes européennes dans le but de déchiffrer les enjeux de l’alimentation de demain. En 2050, la planète aura à nourrir près de 10 milliards de personnes selon les projections. Or, l’agriculture fait partie des secteurs dans le monde les plus émetteurs en gaz à effet de serre, notamment en raison de l’élevage de bovins et d’ovins. Conscientes du changement climatique, Julie Deshayes, Juliette Fournier Le Ray et Lucie Renard avaient l’intention, en partant, de mieux comprendre comment notre consommation pouvait s’adapter.
« On entend souvent que le monde va mal, qu’on va droit dans le mur, remarque Juliette, l’une des trois autrices, avec qui Le Zéphyr a échangé. Or, ce discours un brin catastrophiste, estime-t-elle, peut effrayer et ne donne pas envie de s’engager. » Pour autant, il est urgent d’agir à tous les niveaux, comme l’expliquent l’ensemble des scientifiques experts du climat, tels que Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et membre du Giec (ultra-pédagogique sur Twitter), ou d’autres à l’instar de Christophe Cassou (très présent sur Twitter également), récemment à l’origine de l’opération « MandatClimatBiodiversité », une session de formations aux enjeux du changement climatique, à deux pas de l’Assemblée nationale à destination des élus volontaires pendant trois jours, en compagnie d’autres chercheurs.
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Ainsi, pour inspirer, et puis « apporter une touche d’optimisme », comme Juliette le raconte, elles se sont lancées. Munies d’une caméra, elles sont allées frapper à la porte de citoyens et d’acteurs économiques, qui trouvent des solutions sur le sujet (épineux) de l’alimentation. « Pour donner envie de se mobiliser, on peut mettre en avant ce qui existe, valoriser les alternatives durables. » En clair : montrer que « le changement a déjà lieu » un peu partout au sein de nos contrées européennes. « Pour moi, ça permet de motiver, et on peut ainsi vraiment embarquer les gens », ajoute-t-elle.
Expérience bénévole pour se sentir utiles
But de l’opération : se rendre utiles, et analyser l’ensemble des phases de conception d’un produit alimentaire, de la production à la ferme à la gestion de déchets et du recyclage, en passant par la distribution et la restauration. Les trois réalisatrices ont décidé, en même temps, de s’investir bénévolement auprès de structures engagées, en leur apportant pendant six semaines, leurs connaissances apprises en école de commerce (communication, marketing, finance, comptabilité, conseil en stratégie). D’abord, elles ont proposé leur service à l’association The Real Junk Food Berlin, qui récupère des invendus dans des marchés de gros et des magasins bio pour les valoriser dans l’assiette. On les retrouve ensuite – toujours pendant six semaines – en compagnie d’une start-up danoise commercialisant des escargots en boîte de conserve. Elles ont travaillé à la ferme et ont épaulé l’entreprise sur le lancement d’un nouveau produit.
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Les trois étudiantes ont également accompagné un restaurant végan à Stockholm, Fern & Fica, notamment sur l’aspect marketing et business plan. « Le restaurant voulait ouvrir une nouvelle adresse », précise Juliette, souvent « en cuisine » pendant cette période, elle qui a également suivi, il y a peu, une formation à l’école Ferrandi. Une sacrée aventure, qui les ont aussi emmenée au cœur d’une ferme en Écosse. Qui leur a en tout cas permis de « sortir de (leur) zone de confort », et de rencontrer de nombreux acteurs du changement, comme disent certains.
« Garder l’image globale de la situation »
Après ce voyage, elles se sont rendu compte à quel point il ne fallait pas « rester dogmatique », dit-elle. « Il faut toujours penser à garder l’image globale de la situation, tant l’aspect environnemental que solidaire par exemple. » En particulier, on a besoin d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre, limiter l’empreinte écologique, mais il ne faut pas non plus oublier d’assurer « l’accessibilité des bons produits à tout le monde », y compris aux personnes en situation de précarité, notamment, et de ne laisser personne au bord de la route, en quelques sortes. Ou encore d’assurer une « meilleure rémunération des agriculteurs ». « Rien n’est simple, il faut se questionner, dialoguer avec les spécialistes, prendre du recul, ne jamais arrêter », précise Juliette, qui entamera son stage de fin d’année à la BPI après l’été.
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Les trois réalisatrices, les études désormais derrière elles, ont présenté en juin leur documentaire From Farm to fork (ici pour découvrir le trailer) à l’ESCP Business School, à Paris, ou encore à l’Académie du climat, dans le cadre du festival Mieux manger, de la ville de Paris. Une deuxième projection sera organisée dans leur école à la rentrée, peut-être d’autres suivront plus tard… / Philippe Lesaffre