À 41 ans, le navigateur Damien Seguin, auréolé de plusieurs médailles olympiques, a marqué les esprits en participant à son premier Vendée Globe, entre 2020 et 2021. Il est désormais entouré de la délégation française à Tokyo pour les Jeux paralympiques.

Mis à jour 24/8/2021 : Damien Seguin, chef de mission adjoint de l’équipe de France aux Jeux paralympiques, est arrivé au Japon pour accompagner la délégation française aux Jeux paralympiques de Tokyo. Le Zéphyr, peu avant le départ du Vendée Globe en 2020, a dressé le portrait du skipper double champion de voile paralympique à Athènes en 2004 et à Rio en 2016.

22/3/2021: Damien Seguin a bouclé sa course folle du Vendée Globe en 80 jours, 21 heures, 58 minutes et 20 secondes. Il a terminé à la 7e place.

Loïck Peyron se souvient.  « Un premier Vendée Globe n’est pas anodin, confie-t-il au journaliste Éric Cintas, auteur d’une biographie de Damien Seguin (Glénat, septembre 2020). Ça change un homme. » Le célèbre navigateur avait participé à l’édition inaugurale, entre 1989 et 1990, « en découvreur (des) océans », ajoute-t-il.

Eric Cintas, Damien Seguin, le défi d'une vie

Trente ans plus tard, Damien, 41 ans, s’est à son tour lancé dans cette nouvelle aventure. Début novembre, aux Sables-d’Olonne, il a démarré le mythique tour du monde en solitaire, sans escale, sans assistance. À bord de son voilier (une « star », le bateau a été utilisé au cinéma), le skipper, soutenu par le groupe Apicil, n’a peut-être pas pris la route des mers pour remporter cette compétition quadriennale.

Mais il compte bien laisser une empreinte, lui qui a d’ores et déjà séduit ses pairs. Armel Le Cleac’h, dernier vainqueur de la course, en 2017, est persuadé que le skipper « laissera sans doute beaucoup de bateaux derrière lui », quand Michel Desjoyaux, en préface du livre d’Éric Cintas, le qualifie d’ores et déjà de « marin exceptionnel ».

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Tracer sa route

On peut suivre son avancée, Damien partage ses ressentis, ses joies, ses peines, son quotidien sur son compte Twitter, entre la perte logique de la notion du temps, les batailles contre le vent et la mer agitée, en passant par la traversée de ce qu’on appelle le Pot-au-noir. Il s’agit d’une zone météorologique instable, humide et très chaude, située près de l’Équateur, formée par l’affrontement entre les alizés de l’hémisphère Nord et de l’hémisphère Sud.

Damien Seguin n’a eu de cesse, depuis l’adolescence, de partir en mer, de tracer sa route, et de prouver qu’il en était capable, malgré sa petite différence, lui le gamin né sans main gauche. Le navigateur manœuvre son monocoque de 60 pieds (Imoca), pour ce Vendée Globe, presque comme ses rivaux, si ce n’est au niveau de la colonne de winch qui a été modifiée à l’occasion : « On a produit cette petite adaptation avec le centre de rééducation de Kerpape (à Ploemeur, ndlr). C’est une espèce de manchon fixe sur la poignée, pas grand-chose au final mais elle me permet de tirer et pousser avec mes deux bras sur la colonne », a-t-il précisé à Ouest-France, en 2018.

« Le plus beau métier du monde »

Le natif de Briançon, dans les Hautes-Alpes, a fait ses premières armes en Guadeloupe, là où son père a trouvé un job d’enseignant d’EPS. C’est ici qu’il découvre la Grande Route du Rhum, entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe : en 1990, il assiste au sacre de Florence Arthaud, la première femme à remporter l’épreuve. Une révélation. Quatre ans après son emménagement, à presque 14 ans, il remporte sa première course importante (titre de champion de France sur Optimist). Il comprend alors qu’il allait passer beaucoup du temps à hisser les voiles, dans sa vie. En somme, à pratiquer « le plus beau métier du monde », comme il le dit à son biographe.

À 25 ans, il décroche la médaille d’or aux Jeux paralympiques à Athènes, pour sa première participation. Rien que ça. Il obtiendra quatre ans plus tard l’argent à Pékin et à nouveau l’or, à Rio, en 2016. Sans compter ses titres de champions du monde, qui vont s’accumuler (2005, 2007, 2012, 2015, 2019).

 La Route du Rhum

La force de l’ancien porte-drapeau du clan tricolore aux Jeux paralympiques de Londres, en 2012, c’est justement de montrer que tout est possible, à force de persévérance et d’apprentissage auprès des meilleurs. Montrer, surtout, qu’il est en capacité de concurrencer les navigateurs sans handicap.

D’où sa volonté de participer à des courses en duo ou en solitaire, à l’instar de l’éternelle Route du Rhum. À son actif, trois participations, honorables, et une 10e, 8e puis 6e place en 2010, 2014, puis en 2018. Sans oublier son engagement pour la Transat Jacques-Vabre, la non moins célèbre route du café en binôme.

Mais pour autant tout n’a pas coulé de source, et il lui a fallu parfois contourner de gros obstacles, qui se dressaient face à lui. Des désillusions, comme il en a connu une grosse, en 2005, quand on lui a refusé de prendre part à la Solitaire du Figaro, sous prétexte qu’ « en cas de problème majeur il lui serait impossible de réagir en bon marin ».

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Philippe Croizon : « Bouger les lignes »

Le choc, forcément, car il s’en sentait capable. Dès l’enfance, ses parents le laissaient tout faire pour qu’il apprenne seul à se débrouiller. Pour les petits gestes du quotidien comme pour le sport et, en particulier, la randonnée qu’il a souvent pratiquée avec son père, également guide de haute montagne. « Je ne pourrai jamais assez remercier mes parents de ne m’avoir fixé à l’avance aucune limite, de m’avoir fait confiance pour trouver les solutions tout seul », glissera-t-il en 2006 au Monde.

Alors, seul, mais bien entouré, il a riposté. D’abord en partant sur la 110 milles de Concarneau, à la place de la Solitaire, puis, en lançant, avec des proches en 2005, l’association Des-pieds-et-des-mains, histoire de sensibiliser au handicap via la pratique de son sport. Et comme l’affirme l’aventurier Philippe Croizon, « pour faire bouger les lignes ». Quinze ans plus tard, l’asso fait encore… des pieds et de mains, et son fondateur se montre ravi quand il voit que des jeunes se mettent à la voile pour l’imiter.

Inciter la mixité, voilà l’enjeu. « J’ai toujours considéré, a analysé Damien au Dauphiné, en juin dernier, que la mer devait pouvoir être accessible à tout le monde. » / Philippe Lesaffre