On a retrouvé la trace du véritable Robin des Bois, ou plutôt du paysan Robertus Fitzhooth. Et la réalité est très loin de la légende qui entoure ce grand héros !
Alors qu’un énième film sur Robin des Bois vient de sortir dans les salles, je me suis interrogé sur la part de vérité sur laquelle reposait la légende. Les sites internet spécialisés évoquent un sombre ouvrage de 1852, intitulé La ballade de Robin Hood, dans lequel Joseph Hunter, archiviste, aurait émis l’hypothèse qu’à l’origine du mythe de Robin des Bois ne se trouve pas un noble acquis à la cause du peuple, mais un modeste palefrenier déserteur. Cela tombe bien : démonter les mythes est ma passion.
Nous sommes dans les années 1320, sous le règne d’Édouard II, deux siècles après celui de Jean Sans Terre, c’est à cette période que débute la légende de Robin. Dans la bourgade de Wakefield, dans le sud de Leeds, vit Robertus Fitzhooth – mieux connu sous le diminutif de Rob Hooth – et son épouse Mathilde (alors diminutif du prénom Maid Marian). Sa trace a été retrouvée en 1973 par l’historien John William Walker à l’issue d’une enquête minutieuse dans les archives de Wakefield… et encore controversée.
La grande famine
Robertus Fitzhooth, est fils de bûcheron. Il naît probablement vers 1285, à Wakefield. Les registres publics de la ville font état de l’installation de Robert et de Mathilde Hooth en 1316, dans le quartier de Bitchhill, près du marché, où ils auraient acquis une parcelle de terrain et fait construire une maison de cinq pièces, dont on retrouve la trace au cadastre communal.
Rien à voir, donc, avec le noble Robin de Loxley : les Fitzhooth sont de petites gens, des « yeoman », disait-on : des paysans propriétaires de leur terre. Et, comme la plupart de leurs voisins, ils abhorrent le roi Édouard II. Ce dernier est en effet honni par le peuple qui subit alors la grande famine qui durera jusqu’en 1320-1323. Le mécontentement populaire atteindra son paroxysme lorsque le roi imposera une réquisition de provisions… pour nourrir sa cour.
C’est dans ce contexte que Rob Hooth est sommé, par trois fois, de rejoindre l’armée du roi qui s’apprête à envahir l’Écosse. Son refus lui vaudra une lourde amende, infligée par le Shériff du comté de Nottingham et Derbyshire. Robert devient-il alors un des meneurs de la révolte locale des croquants contre les réquisitions ?
En 1318, Thomas Plantagenet de Lancaster – ennemi du roi – conquiert la ville de Wakefield et y lève une armée pour combattre son cousin Édouard. Robert saute sur l’occasion et s’engage comme archer (à cette époque, l’arc long était une arme à la mode) : il combattra dans l’armée « rebelle », jusqu’à la funeste défaite de Boroughbridge, en 1322.
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La débâcle de Boroughbridge
Thomas et Édouard II s’affrontent à Boroughbridge, à 50 kilomètres de Leeds. Pour enterrer les nobles tombés au combat, les deux camps conviennent d’une trêve jusqu’au lendemain. Mais, au cœur de la nuit, le perfide Henry de Faucumberg, Shériff du Yorkshire, donne l’assaut sur le camp rebelle de Boroughbridge au petit matin, « pour cueillir les rebelles dans leur lit », précise Elizabeth Hallam dans ses Plantagenet Chronicles (1986). Thomas de Lancaster, le cousin du roi, est fait prisonnier dans la bataille. Afin de récompenser Henry de Faucumberg pour cette victoire, Édouard II le nomme Shériff du vaste territoire du Nottinghamshire.
Les survivants, devenus hors-la-loi, se réfugient dans les bois environnants, c’est-à-dire la forêt de Barnsdale, à 30 kilomètres de Wakefield, et non de celle de Sherwood, plus au sud. En représailles, tous les biens de la famille Hooth, ainsi que leur maison sera saisie. On retrouve d’ailleurs dans les registres du Yorkshire le nom de Rob Hood (son passage dans les bois semble avoir inspiré le changement de nom) suivi de la mention « fugitif ».
Au service du vil roi
Robert vivra plus d’un an dans la clandestinité. Puis tombera entre les mains du Shérif. Noël 1323 approche. Heureusement, Rob est gracié par le roi la nuit de la Saint Sylvestre. En échange, lui et sa femme doivent rejoindre le service de la maison royale. Rob y prend une place de voiturier et palefrenier. Une forme d’esclavage que Robert semble assez mal supporter : en novembre 1324, Hood abandonne son poste et retourne à sa vie de hors-la-loi des bois.
Selon la description de l’archiviste Hunter, Rob Hood s’habille alors d’une tunique « vert lincoln », s’armant d’un arc et d’une courte épée, portant un clairon à la ceinture, et ne craignant pas de défier les autorités. Les archives judiciaires montrent en effet qu’il a été défavorablement connu des services du shérif et régulièrement condamné, notamment pour vol de chevaux en 1331 et faux témoignage l’année suivante. On estime l’année de sa mort autour de 1347. Il est enterré dans le comté de Kirklees, à la lisière de la forêt.
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« Il était un homme d’élans généreux, écrira Joseph Hunter, qui n’a jamais molesté les pauvres et a souvent pris le parti des faibles. » C’est donc ainsi que naît sa légende. La gloire de Robin des Bois, connus par tous les grands et les petits. / Camille Andrade