Au cœur de ses mille combats se trouve une certaine vision de l’écologie, que Paul Ariès définit comme “un autre rapport au monde, aux autres et à soi. » Pour le politologue, « l’écologie, c’est la vie bonne, c’est passer d’une jouissance d’avoir, à une jouissance d’être”. On a rencontré un penseur du monde qui vient.
Initialement publié en février 2019, ce papier a été reprogrammé en ces temps de confinement pour réfléchir à la vie d’après.
Cet entretien est extrait du Zéphyr N°2, que vous pouvez commander
Ce politologue-sociologue-économiste est un touche-à-tout : il démarre une carrière universitaire qui sera émaillée de conflits éthiques avec sa hiérarchie, se lance dans la lutte contre les réseaux pédophiles et les dérives sectaires, puis théorise la malbouffe et la décroissance, tout en créant moult revues et journaux comme Sarkophage, ou Les Z’indigné(e)s, et en défendant l’instauration de la VIe République, les cultures populaires locales et, surtout, la civilisation de la gratuité.
« La civilisation de la gratuité »
Le Zéphyr : Vous avez lancé un appel pour “une civilisation de la gratuité”…
Paul Ariès : Oui, nous appelons à la gratuité de l’eau, de l’énergie, des transports en commun, des services culturels et funéraires. Notre objectif est de mettre la question de la gratuité au centre des prochaines élections municipales. Je suis convaincu que “seul le désir est révolutionnaire”, comme disait Gilles Deleuze.
Je vois bien mes étudiants, mes propres enfants, ils ne sont pas aussi heureux que ça. Il suffit de regarder la quantité de médicaments et de drogues consommées dans ce pays. Ce sont les symptômes d’un malaise profond.
Il n’y a rien qui fait rêver la jeunesse aujourd’hui. Nous voulons lui redonner envie, notamment en multipliant les îlots de gratuité, pour qu’elle fasse ensuite des archipels et, pourquoi pas, des continents ! Notre projet est de rassembler l’ensemble des forces alternatives, aujourd’hui éparses, autour d’un projet commun : fonder une civilisation de la gratuité.
Comment convaincre les gens d’abandonner leur mode de vie ?
En leur proposant des alternatives. La solution, c’est de multiplier les “pas de côté”. Par exemple : on est nombreux en France à ne pas aimer la restauration rapide. Mais tant qu’on n’aura rien d’autre à nous proposer de concurrentiel, les fast-foods seront toujours là ! Il faut multiplier les alternatives et, contrairement à ce qu’on croit, on a beaucoup perdu dans ce domaine ! Regardez les comités d’entreprise : jusque dans les années 80, on avait des productions autonomes et originales en matière de tourisme.
Désormais, tous les CE cherchent à proposer toujours plus loin pour toujours moins cher. Il faut se remettre à inventer des alternatives dans tous les domaines ! Ce que j’espère, c’est que toutes ces alternatives mises bout à bout constitueront une masse critique suffisante pour permettre une bascule. Et pour cela, il faut étendre la sphère de la gratuité.
C’est donc cela que vous appelez la décroissance ?
Oui. La décroissance n’est pas un appel à se serrer la ceinture un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie ! C’est simplement la conviction qu’il va falloir passer de la jouissance d’avoir à la jouissance d’être. Mettre le lien social au cœur du système.
Mais n’y a-t-il pas un risque que l’économie de marché récupère tous ces “pas de côté” pour en faire de juteux business ?
Oui, on peut penser à UberPOP qui marchandise le covoiturage ! Nous sommes sur un chemin de crête… et il y a plus de risque que ce soit le modèle de société que je vomis qui s’impose ! / Valérie Pol
Cet entretien est extrait du Zéphyr N°2, que vous pouvez commander