En 2017, une trentaine de photographes ont pris leur appareil et sillonné les routes de France. Riche expérience collective. Plus de trois ans après, un livre retrace ce rare instant de liberté, et deux des participants, issus du collectif Tendance Floue, ont répondu à nos questions.
Ce récit est extrait du Zéphyr n°8 (Hiver 2020-2021), En route ! Les voyages qui nous transforment, loin des sentiers battus. Découvrez son sommaire, passez commande.
Ne ratez rien de l'actualité du Zéphyr
L’entretien avec Grégoire Eloy et Bertrand Meunier a été programmé en plein confinement (le premier), via Skype. Les deux photographes, du collectif Tendance Floue, ont sorti Azimut : une marche photographique en France, aux éditions Textuel, le fruit d’une expérience hors du commun. En 2017, 31 hommes et femmes, un appareil photo à la main, ont sillonné, chacun à leur tour, les routes du pays sans savoir où ils se dirigeaient. Seule consigne : il ne fallait pas rompre la marche avant d’atteindre la destination finale. De Montreuil, en région parisienne, jusqu’à Saint-Jean-de-Luz, au pays Basque, ils ont revisité à pied un territoire qu’ils connaissent finalement « assez peu ». Une expérience collective, une ode à la lenteur, un moment rare de liberté, comme les deux photographes nous le racontent, à l’heure où les libraires brillent par leur absence… forcée. « Mais l’ouvrage circule facilement grâce au clic and collect », se sont-ils rassurés, en cette période morose. On les a laissés parler de leur aventure, sans trop les couper.
« S’alléger et partir faire des images sur la route »
Le Zéphyr : Comment est né ce projet du collectif Tendance Floue, auquel vous faites partie ?
Bertrand : Le collectif se réunit depuis bientôt 30 ans chaque mercredi pour échanger. C’est Gilles Coulon, il me semble, qui a lancé en premier l’idée d’un voyage photographique à pied à travers la France, mais le projet s’est réellement construit grâce aux échanges que nous avons eues autour de la table le mercredi. Cela a forcément mis du temps. Mais l’idée au final était de s’alléger, prendre un sac à dos et partir faire des images depuis Montreuil, en région parisienne.
Grégoire : C’est difficile de se souvenir qui a dit quoi, mais retenons qu’au final c’est avant tout un projet collectif, en effet.
Bertrand : Le projet a eu du succès et on a reçu des demandes de photographes venant de l’extérieur. Résultat : 31 photographes ont participé à la marche, 13 de Tendance Floue et 18 photographes extérieurs. Le départ a été donné le 1er mars 2017 à Montreuil, au siège de notre collectif, et nous sommes allés jusqu’à Saint-Jean-de-Luz. On était toutes et tous sur la route entre 6 et 9 jours d’affilée. La dernière photographe qui a participé a rejoint le collectif durant le projet. Et du coup on lui a demandé de poursuivre le relai. Yohanne Lamoulère a traversé les Pyrénées-Atlantiques.
Grégoire : Bertrand et moi avons été les premiers à partir, et, ainsi, nous avons montré la voie aux autres. Avant le départ, nous avions mis en place un planning précis des relais, en fonction des disponibilités de chacun. Il ne fallait pas qu’il y ait de rupture. 48 heures avant la fin de la marche, chaque photographe devait prévenir la prochaine personne et lui donner rendez-vous quelque part.
Le Zéphyr : Qu’avez-vous vu et que retenez-vous de cette expérience ?
Grégoire : Bertrand a quitté nos locaux en mars 2017. Il a traversé la zone francilienne jusqu’à Fontainebleau. Il travaille beaucoup sur les zones urbaines, donc cela lui allait bien ; même si cela reste assez compliqué, contrairement à une zone plus rurale.
Bertrand : Grégoire l’a dit, je suis fasciné par ces zones dites périphériques, ce sont des territoires qui ne sont pas du tout adaptés au piéton. J’avais l’intention de rejoindre, à Fontainebleau, une personne que je n’avais pas vue depuis 30 ans. Mon objectif était donc d’atteindre cette ville. Mais je ne savais pas le matin en partant où j’allais marcher, je ne prévoyais aucune destination quotidienne. Ce qui est fantastique. Je me contentais de déambuler, de crapahuter, de regarder. Comme les autres, j’étais libre de choisir ma route. Et il ne s’agissait pas non plus d’une performance sportive. Il n’y avait pas de nombre minimum de kilomètres à effectuer. Et, de la même manière, il n’y avait pas de nombre minimum de photos à prendre.
Grégoire : Cette marche photographique a été une ode à la lenteur. J’irais même plus loin : cela a été une déclaration d’amour à la France. / Propos recueillis par Philippe Lesaffre
Vous n’avez lu que 15 % de cet article. La suite dans Le Zéphyr n°8