Au cours d’une journée de sensibilisation sur l’océan, organisée au sein de la ressourcerie de l’association de l’école de la transition écologique et solidaire (étés) à Saint-Ouen-sur-Seine en Seine-Saint-Denis, Le Zéphyr est allé à la rencontre de bénévoles qui se battent pour les océans.
Pour le deuxième épisode, Julie Guterman, chargée de recherche pour l’association Bloom, nous parle de son engagement en faveur des écosystèmes marins. Pendant plusieurs mois, elle a enquêté pour Bloom sur la présence de mercure dans les boîtes de thon vendues en Europe. Les résultats, publiés en octobre dernier, sont alarmants.
En octobre dernier, l’association Bloom a sorti une enquête qui a fait du bruit. Elle a analysé 148 boîtes de conserve de thon vendues en Europe, dont en France, et toutes contiennent du mercure. C’est une substance hautement préoccupante pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dangereuse pour la santé (notamment pour le cerveau), dont le dérivé présent dans l’alimentation est classé comme cancérogène possible par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
En clair, les poissons l’ingèrent dans l’océan avant d’être pêchés, et la substance finit dans notre estomac. L’association dénonce un « scandale sanitaire ». « Car les pouvoirs publics ont autorisé les industriels à vendre un poisson malgré sa toxicité », glisse Julie Guterman, chargée de projet de recherche pour l’association de protection de l’océan, à l’origine du rapport sur le mercure.
Beaucoup de mercure dans le thon
Dans le détail, le thon bénéficie d’une exception dans la législation européenne : la teneur maximale en mercure autorisée est beaucoup plus importante pour le thon frais (un milligramme par kilogramme) que pour les autres espèces (0,3 milligramme par kg). Il s’agit de pouvoir vendre plus de thon, sachant qu’il fait partie des poissons les plus consommés en Europe. Une boîte sur deux dépasse ce seuil de 0,3 milligramme par kg, indique Bloom.
« Il faut que la réglementation évolue en matière de mercure », souligne Julie Guterman, invitée en janvier dernier à partager les résultats de son enquête à la ressourcerie étés de Saint-Ouen-sur-Seine. Marine Sharaf, à l’origine de cette journée de sensibilisation au sujet des écosystèmes marins, l’a sollicitée pour qu’elle présente, en particulier, le combat de Bloom (voir plus bas).
Force est de reconnaître que le rapport sur la teneur en mercure dans les boîtes de thon a permis d’« ouvrir le débat« , explique Julie à notre micro. Déjà « l’Anses a fait évoluer sa recommandation. Elle explique maintenant plus clairement qu’il convient de limiter la consommation de thon quand on est enceinte ou quand on est un enfant ».
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Des victoires citoyennes espérées
On a interrogé Julie Guterman quelques mois avant la tenue de la Conférence des Nations unies sur l’océan à Nice (en juin 2025). Et à cette occasion, Bloom et d’autres associations (réunies au sein de la Coalition pour l’océan) attendent de la France « des avancées fortes » et pas juste « des belles phrases » ou « des annonces sans lendemain ».
« On veut pouvoir peser dans la balance et obtenir des résultats concrets, indique-t-elle. La France doit créer de véritables aires maritimes, ce qui n’est pas encore le cas. On aimerait aussi obtenir l’interdiction du chalutage des fonds marins à l’aide de « bulldozers des mers » dans les eaux proches des côtes et des nouveaux projets d’exploitation d’hydrocarbures… » Pour l’heure, 30 % des eaux françaises sont des aires marines protégées, mais, du côté de la métropole, « moins de 0,1 % des eaux » sont réellement protégées.
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On lui demande si elle y croit. « On a bon espoir de gagner, car nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons pas continuer de détruire l’océan et de décimer les populations de poissons, jour après jour… » Julie Guterman reprend son souffle. « Il y a tellement de choses à préserver dans l’océan, c’est vital… » / Philippe Lesaffre
A Saint-Ouen, la ressourcerie Étés a ouvert ses portes
L’interview a été menée dans un ex-établissement scolaire en région parisienne, où s’est installée l’association de l’école de la transition écologique et solidaire (étés). En début d’année, elle a ouvert une ressourcerie et a invité un samedi de janvier de nombreuses associations à présenter leurs actions en faveur de la sauvegarde de l’océan.
Dans ce qui ressemble à un « tiers-lieu », d’autres journées spéciales seront organisées, que ce soit sur ce thème ou sur d’autres. Bientôt, on pourra venir réparer ses biens ou encore organiser une fête d’anniversaire pour ses enfants. Boris Voignier, coordinateur de l’étés, et Marine Sharaf, bénévole à l’origine de l’événement dédié à la mer (citée par Julie Guterman au début de son entretien), ont répondu à nos questions. / PL
Un reportage co-produit par Le Moment