La chaîne Arte sort en décembre une série documentaire pour présenter le combat de cinq gardiens de forêt, de cinq citoyens issus de peuples autochtones victimes du changement climatique. Aussi loin qu’elles s’en souviennent, les cinq personnes, sur chaque continent de la Terre, défendent leur terre, la nature bafouée en raison de notre mode de vie.

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Les chefs autochtones ont quitté leur terre natale pour délivrer un message d’alerte. Devant les journalistes réunis dans l’enceinte de l’Unesco, à Paris, le ton est parfois grave, mais on sent aussi de l’émotion durant leur intervention en version originale. Les cinq personnes sont venues présenter la série documentaire Les gardiens de la forêt, réalisée par Jérôme Bouvier, Marc Dozier, Mike Magidson, Luc Marescot et Hamid Sardar, diffusée sur Arte en décembre (et d’ores et déjà disponible sur arte.tv). Les protecteurs du vivant profitent surtout du micro, à quelques jours de l’ouverture de la COP28 à Dubaï, pour parler de l’état du monde et surtout de leur territoire.

« Où cela va-t-il s’arrêter ? »

L’heure est grave, pour Benki Piyako, leader du peuple Ashaninka. « Les forêts brûlent, les rivières s’assèchent, l’eau est en grande majorité contaminée sur la planète bleue », énumère-t-il. Pour ce grand défenseur de l’Amazonie, il ne faut pas « fermer les yeux » sur ce qu’il se passe. Selon lui, « on consomme » sur le globe plus que ce que « nous avons besoin », il n’y a qu’à voir la production de soja, la coupe du bois exporté, l’élevage du bétail grignotant sa forêt. Et le fondateur de l’association Apiwtxa, originaire de la région d’Acre, tout près de la frontière péruvienne, de s’interroger : « Où cela va-t-il s’arrêter ? »

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Il n’y a pas le choix, dit-il, il faut mobiliser l’opinion internationale, en particulier les jeunes. Mambongo, à l’origine de la création de l’association Mussinda Mongho au Gabon, abonde dans son sens : « Pour retrouver un certain équilibre naturel, la solution, précise-t-il en français, c’est l’éducation. » Twyla Edgi Masuzumi, gardienne de la terre des Dénés (un groupe de Premières Nations au Canada), basée à 20 km du cercle polaire, raconte qu’elle mène le combat « pour ses enfants ». Les paysages changent très rapidement au niveau des pôles, dit-elle en anglais, « les saisons sont plus courtes, le réchauffement climatique, on s’en rend vraiment compte chaque jour ». En particulier les feux de forêts monumentaux, comme il y en a eu l’été dernier dans son pays.

« Aider à changer les choses »

Son voisin Jal Tumursukh, directeur du Red Taiga national Park, rassemblant six millions d’hectares de parcelles strictement protégées du nord de la Mongolie, explique, de son côté, que « la préservation de la nature devrait tous nous concerner ». Très tôt, ce dernier, issu d’une famille de nomade darhat, un temps ranger, s’est mobilisé, car il a pris conscience que « protéger les forêts abondantes » revenait à « préserver la vie ». Et il convient de le « dire haut et fort » afin de sensibiliser le plus grand nombre, et puis influencer les politiques publiques.

Il est urgent, précisent les gardiens des forêts, d’inciter les autorités – et plus largement la communauté internationale – à soutenir les actions de protection, de restauration de parcelles, les initiatives de reboisement et de renaturation, parfois massives, surtout là où la déforestation et la surexploitation sont à l’œuvre dans le monde, notamment sur le continent sud-américain, en Amazonie, et en République démocratique du Congo.

« Paradis de la faune sauvage »

D’après Mundiya Kepanga, membre de la tribu des Hulis, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, État souverain du Pacifique, les films et les documentaires peuvent jouer ce rôle : grâce aux récits, souligne-t-il, « on peut aider à changer les choses », c’est indéniable. Celui-ci avait déjà été mis en avant dans le film Frères des arbres, l’appel d’un chef papou, de Marc Dozier et Luc Marescot.

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Les cinq, chacun et chacune à leur niveau, s’engagent, se mobilisent, mettent la main à la terre… Le tout, afin de « respecter » et de défendre les forêts primaires dans le monde, dans lesquelles ces citoyens ont évolué. Autant de terres qu’ils veulent léguer aux générations futures. Ce sont les poumons de la planète, ce sont « des paradis de la faune sauvage », comme le rappelle Jal Tumursukh, durant son intervention. Bref, ce sont des merveilles qu’il faut absolument sauver… / Philippe Lesaffre