Qui est vraiment Gaëlle Hermet, capitaine de l’équipe de France de rugby et troisième ligne au Stade toulousain ?

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« Doit-on dire rugbywoman en comparaison à rugbyman ? » demandé-je, pour débuter l’interview. « On dit ce qu’on veut. Moi on me surnomme plutôt Gagou. » Ce surnom lui vient de l’enfance. Quand elle jouait avec ses trois frères dans le jardin de la maison de Clermont-Ferrand. À l’époque, elle joue autant au ballon ovale qu’à la poupée. « Le rugby, c’est un peu une religion chez nous. Mon grand-père Henri, qui était mon exemple, mon oncle, mon père, Cyrille (un temps à l’ASM Clermont), ont joué au niveau pro. La culture du rugby est dans mon sang. » Chez les Hermet, les repas de famille finissent toujours par un match, dans le jardin, ou bien chacun raconte ses moments de gloire sur la pelouse.

Néanmoins, au départ, l’idée n’était pas qu’elle suive le chemin de ses aînés. Malgré la passion familiale, Gaëlle n’a pas été poussée vers le ballon ovale. « J’ai testé plusieurs sports, notamment la natation puis l’athlétisme, le volley, le basket…» Elle se rêve en Céline Dumerc, joueuse de basket née à Tarbes, meneuse de jeu de l’équipe de France à la fin des années 2000. Mais, finalement, elle décide de se consacrer au rugby. « Ça n’a pas vraiment enchanté ma mère ! »

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Le tour du Sud-Ouest

À 13 ans, Gaëlle Hermet quitte donc ses parents pour rejoindre l’équipe de Carmaux, dans le Tarn, à 3 heures de route. C’est une équipe très majoritairement composée de garçons – jusqu’à 15 ans, les équipes sont mixtes. « C’était en 1999, je suis un peu partie à l’aventure, toute seule, en internat sport-études. La séparation a été difficile, pour moi comme pour mes parents. Mais j’étais heureuse de jouer au rugby. »

Deux ans plus tard, elle doit quitter Carmaux pour rejoindre un club exclusivement féminin, à Albi. « Ça a été compliqué de quitter les équipes de garçons pour jouer uniquement avec des filles », se souvient-elle. L’adolescente comprend vite que le rugby féminin, c’est le système D. « On n’a pas d’argent, peu de sponsors, nos entraîneurs sont bénévoles, il faut se battre tous les soirs pour savoir où l’on va jouer, si on va nous allumer la lumière. Mais c’est formateur : on apprend la solidarité. » Un an plus tard, le tour du Sud-Ouest se poursuit : elle est débauchée par le club de Saint-Orens.

Début de carrière à Toulouse

À 18 ans, Gaëlle Hermet vit un conte de fées. D’abord, elle réussit son bac sans accroc, ensuite, elle se fait repérer et rejoint le mythique Stade Toulousain. Là, elle trouve sa place de troisième ligne, un poste d’électron libre, toujours en mouvement, qui plaque et saute en touche.

En rouge et noir, elle apprend la rigueur et enchaîne les journées de 16 heures, puisqu’elle alterne entraînements et études sur les bancs de la fac. « Une journée type ? C’est cours jusqu’à 17 heures et entraînement de 18 à 21h30, trois fois par semaine. Le week-end, on rattrape les cours. Et plusieurs fois par an, on passe 10 jours à Marcoussis pour suivre des programmes techniques. » À l’université, où elle étudie l’ergothérapie (une discipline paramédicale d’accompagnement des personnes handicapées vers l’autonomie), elle bénéficie d’horaires arrangés et d’autorisations d’absence. Cela n’empêche : concilier projet professionnel et carrière demande énormément d’organisation, de sacrifices et de concessions.

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Le Graal

2016. Alors qu’elle approche la vingtaine, Gaëlle Hermet ne cache plus son ambition : la grande équipe de France, le Tournoi des Six nations, la Coupe du monde, l’année suivante, et pourquoi pas les J.O.

Plusieurs joueuses s’apprêtent à mettre un terme à leur carrière internationale, après la Coupe du monde. Il faut du sang neuf, car les équipes italienne, irlandaise ou galloise ont haussé leur niveau de jeu.

Remarquée à Toulouse pour son bon esprit – La dépêche parle alors d’elle comme d’un «  exemple dans notre terre de rugby » – la voici convoquée par le staff de l’équipe de France. On lui propose de porter le maillot bleu. « Ce fut un immense saut de joie. Dans une carrière de sportif, c’est le Graal. C’est un privilège de porter ce maillot. Ça me donne le courage de m’acharner au travail pour continuer à le porter. » La première fois qu’elle mouille ce maillot, c’est sur la pelouse de Salt Lake City, en juillet 2016, pour un match contre les États-Unis. « Il y avait de la pression, de l’appréhension, mais c’était très positif. Et puis je savais que ma famille me regardait sur Internet. »

equipe de france rugby feminin

Capitaine

Malgré ses succès, Gaëlle Hermet garde les pieds sur terre. Consciente que le rugby féminin reste une passion d’amateurs. « On n’a pas le statut pro, contrairement aux Anglaises. On ne vit pas encore du rugby. » Certes, depuis la Coupe du monde 2014, organisée en France, le rugby féminin attire de plus en plus de spectateurs, de médias et de sponsors. Certaines joueuses touchent même des indemnités journalières, voire des primes de match. Mais la priorité de Gaëlle Hermet reste encore ses études.

C’est peut-être cette manière de garder la tête sur les épaules, son état d’esprit collectif, toujours à vouloir se surpasser, qui lui vaut d’être désignée capitaine de l’équipe de France. Ou bien serait-ce en raison de son style ? « Sur le terrain, je suis dans l’action, je parle, je crie. Je fais mon rugby. C’est un jeu aérien qui fait vivre le ballon. Certains disent que c’est comme dans l’ancien temps. Je fais des passes, j’écarte les ballons, j’évite les coups. C’est un jeu qui plaît beaucoup au public. »

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“Je profite de chaque instant”

La jeune femme incarne un rugby différent de ce sport violent fait pour les hommes. Elle prouve que les femmes peuvent jouer à ce sport de combat tout en restant féminine. « On pratique le même rugby que les hommes, en y apportant notre touche féminine, et on se rend compte que les mentalités évoluent, que les gens apprécient le spectacle. »

Aujourd’hui, Gaëlle Hermet porte le brassard de capitaine avec fierté, consciente de devoir être exemplaire sur et en dehors du terrain. « J’ai encore beaucoup à apprendre, mais c’est un grand honneur. Je profite de chaque instant. » C’est ça, l’esprit bleu./ Jacques Tiberi