Rencontre – Animateur, producteur, journaliste, Denis Brogniart s’est aventuré en territoire littéraire. Le temps de publier un premier roman dédié à un soldat revenu meurtri de la guerre, et inspiré d’une histoire vraie, celle du personnage principal. Un parcours que ce passionné, parrain des blessés de guerre, tenait à valoriser et faire connaître.

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Ecrire un roman fait plus qu’exposer une idée, un concept ou une histoire. C’est une étape qui vous révèle à vous-même. Quiconque se lance dans cette improbable exploration le sait. Elle vous pousse jusqu’aux confins de votre personnalité. On s’y risque. On s’y perd. On s’y trouve, également. Denis Brogniart fait partie de ces esprits qui se sont aventurés sur les contreforts de leur détermination. Mais pas seulement. Au travers d’Un soldat presque exemplaire, son premier opus chez Flammarion, l’animateur-journaliste s’est mis dans les pas d’un ancien militaire. Un homme si durement touché par ce qu’il a vécu loin de l’Hexagone qu’il en est revenu totalement changé. « Le retour à la vie civile d’un soldat n’est jamais simple, et le parcours de Stanislas, le personnage principal de mon roman, l’illustre », assure le présentateur de Koh-Lanta.

Au fil des pages et des confessions, on découvre un homme torturé, sans cesse submergé par les bouffées de son passé. Des bouffées qui, de jour en jour, balaient la ligne de front qui devrait séparer la réalité et le délire. Un lent travail de reconstruction, de compréhension et, finalement, de guérison attend Stanislas et les siens. Sa compagne, elle aussi, subit la situation de l’ancien militaire. « Elle a beaucoup souffert. Vraiment beaucoup. Plusieurs fois, elle a failli perdre la vie lors des crises de Stanislas », ajoute l’auteur en évoquant leur couple.

La question du choc post-traumatique sur le devant de la scène

Les premières lignes de son Soldat presque exemplaire, Denis Brogniart les a couchées lors du premier confinement. Nous étions en mars 2020. L’incertitude fleurissait au coin des rues, et l’activité des maisons de production était au point mort. « Je me suis lancé parce qu’il le fallait, parce que cette histoire le méritait. Ça m’a permis de reprendre contact avec Stanislas, le personnage principal, et d’évoquer avec lui les questions qui le concernent », assure-t-il. Des questions telles que le choc post-traumatique, qu’on cache si souvent comme une maladie honteuse dans la communication officielle, mais qui, derrière ce voile de pudeur, fauche des hommes et des femmes. Reconnue seulement à partir de 2013 par l’institution militaire, la prise en charge du syndrome du stress post-traumatique est encore difficile, au détriment des soldats.

Selon des chiffres officiels diffusés par le ministère des Armées, plus de 2 800 militaires français souffrant de « blessures psychiques » ont été recensés entre 2010 et 2019. Parmi eux, 231 l’ont été pour la seule année 2019. Aux yeux de Denis Brogniart, les militaires sont des héros qui vouent leur vie aux autres et qui, parfois la sacrifient. Raison de plus pour consacrer un volume à l’un d’eux.

Gagner la confiance de ses témoins

Mais, au-delà de la prose et du verbe, coucher sur le papier les turpitudes d’un homme et de sa famille est une expérience humaine en soi. Une expérience qui exige de la confiance, de la franchise et de la psychologie. « La confiance se gagne. Elle ne se décrète pas », insiste celui qui refuse qu’on le qualifie d’auteur. Parrain des blessés de guerre de l’armée française, fin connaisseur de la chose militaire, engagé de longue date dans des associations, Denis Brogniart jouit d’une réputation flatteuse dans les rangs. Un avantage pour s’exprimer et faire comprendre sa démarche littéraire.

« Le fait que je sois parrain des blessés de guerre et que j’ai pris position pour la reconnaissance de ces chocs post-traumatiques, au même titre que d’autres blessures de guerre, me donne une certaine légitimité », confirme-t-il. Pour gagner cette confiance, il aura fallu des échanges, des promesses et des engagements. Il aura fallu lire quelques pages écrites sur le moment et parler, constamment parler, avec Stanislas et sa compagne. Plus encore que le militaire, sa femme Marie a été difficile à convaincre. Elle a vécu des choses très dures, comme le prévient l’auteur. Mais son mutisme prend sa source dans d’autres considérations : « Elle a eu plus de mal à parler dans la mesure où elle craignait que son témoignage ne ternisse quelque peu l’image héroïque de Stanislas. »

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Ecrire un livre ? « C’est une course au long cours »

S’il est passionné d’aventure et voue une admiration à celles et ceux qui se lancent à corps perdu dans ce genre d’expérience, Denis Brogniart tempère toutefois quand on lui indique que l’écriture d’un livre est déjà une aventure en soi. « Rien à voir avec ce que font des navigateurs, par exemple. Mais c’est une aventure de vie. Je ne sais pas chanter, jouer de la musique ou dessiner. Mais j’ai toujours utilisé l’écriture pour m’exprimer. Les mots sont très importants pour moi. Je voulais me prouver que j’étais capable d’écrire un roman. Au-delà, il faut avoir assez de personnalité et de motivation pour tenir la distance, ne pas se laisser décourager par les difficultés. C’est une course au long cours. » S’il ne fait pas grand cas des prix littéraires et du prestige de l’ouvrage, Denis Brogniart est fier d’une chose qui lui semble cruciale : « Stanislas et Marie ont entièrement validé ce qu’ils ont découvert en librairie. Leur histoire est respectée. » / Jérémy Felkowski