Clément Leroy est le champion du monde d’équilibrisme à vélo. À la fois artiste, athlète et coach, il met sa passion au service d’entreprises en quête de sens.

les couvertures du Zéphyr

Découvrir sa passion à huit ans et en vivre à vingt-huit est le rêve de la plupart d’entre nous. Ce rêve, Clément Leroy l’a réalisé, à force de travail et d’imagination. « Au départ, explique-t-il, je disais que j’étais champion de vélo sur place. Mais certains me prenaient pour un comique qui se moquait des cyclistes. Maintenant, je prends 15 secondes pour expliquer que je fais de l’équilibre à vélo. Un sport que les anglophones nomment Trackstand » – qui n’a rien à voir avec le vélo d’appartement – et consiste à se maintenir en équilibre sur son vélo sans se déplacer ni mettre un pied au sol.

Cette étrange idée est d’abord née dans le subconscient de Clément : « À 8 ans, j’ai rêvé que je faisais du vélo en marche arrière. Le lendemain, j’ai pris mon vélo, je me suis assis face à la roue arrière et j’ai essayé d’avancer dos à la route. Bien sûr, je suis tombé. Mais j’ai persévéré. Et après quelques mois, et quelques gamelles, j’y suis parvenu. Pour ne pas trop me faire mal, je m’étais littéralement entouré d’amis me récupéraient à chaque chute. » D’un point de vue psychanalytique, ce cheminement interroge. À quoi tourne-t-il donc le dos ? Que fuit-il ainsi, à rebours ?

 Guiness Book

Car, depuis qu’il est parvenu à réaliser littéralement son rêve, Clément roule de défi en défi. Il est accro à la gagne. Presque jusqu’à l’obsession. « Un jour, raconte-t-il, j’ouvre le Guinness Book des records de 1999 et je découvre qu’un Canadien – Matthew Poynter – a parcouru 50 km à vélo en marche arrière. Ce chiffre devient mon nouvel objectif. À partir de ce moment, je m’entraîne pour battre ce record. »

Étrangement, Clément ne cherche pas à échanger avec le recordman canadien, ne serait-ce que pour lui demander des conseils. Dans sa tête, il est seul face à son but. Il a alors 13 ans et prend le risque de tenter sa chance pendant l’émission du Téléthon 2001, devant la France entière et dans des conditions médiocres – « Un VTT et une mauvaise piste en goudron ». Et ça paye : « Je le bats, avec les moyens du bord, mais je bats quand même le record. »

Pour autant, le collégien Clément ne se considère pas comme une star. « J’avais quelques fans, surtout mes copains qui étaient hypers fiers. En 5ème, tout le monde me reconnaissait, mais cela n’a duré que quelques mois. Je n’étais pas vraiment célèbre. C’était assez neutre. » Il poursuit donc ses études et sa passion en parallèle, réussit un bac scientifique en 2006 et s’inscrit en psychologie.

« C’est mon autre passion, déclare l’équilibriste. D’abord la psychologie du travail, ensuite la psychologie cognitive. » Une discipline que son fondateur, Ulric Neisser, défini comme l’étude des « processus par lesquels le stimuli sensoriel est transformé, élaboré, mémorisé, retrouvé et réutilisé » tels le langage, l’attention, le raisonnement ou la créativité.

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15 heures d’affilée

Durant ses études, Clément décline son art tous azimuts. En 2012, il prépare, avec l’aide d’un prof de théâtre, un spectacle d’équilibriste et s’offre une tournée d’un an dans des salons, des salles polyvalentes et des supermarchés de France. À l’été 2013, il devient champion du monde de trackstand lors du tournoi international de livreurs à vélo. Un titre qu’il remet en jeu à Melbourne, en 2015, et qu’il remporte une seconde fois.

Trophées en poche, il multiplie des conférences de coaching, devant des publics de professionnels et de particuliers. Dans le même temps, il réalise des performances devant les caméras, pendant le Tour de France 2016, ou lors de la journée mondiale contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), en mai 2017. Ce jour-là, il réussit à tenir en équilibre 15 heures d’affilée. Un symbole du combat quotidien que livrent les malades !

Créer la performance par le bien-être

Bref, Clément, l’as du surplace, est toujours en mouvement. Qu’il parcoure 13 000 km à deux-roues pour rejoindre le Cap Nord, qu’il s’offre un road trip dans la France profonde, façon: « J’irai dormir chez vous », ou bien atterrisse au Japon, c’est toujours pour transmettre à ses hôtes un peu de son optimisme et de sa sérénité, au prétexte d’un numéro d’équilibriste à vélo.

Une aventure humaine qu’il raconte dans la gazette municipale de Châteaudun – sa ville natale – en décrivant combien « c’était drôle à vivre ». « Il faut savoir que j’arrive à chaque fois avec le vélo sur l’épaule, déguisé en vieux motard, avec ma caméra à la main. Beaucoup étaient surpris, se demandaient ce quil se passait. Et lorsqu’ils me découvraient dans leur salon, déguisé en cycliste, c’était génial ! »

Prochaine étape : le village départ du Tour de France, où il prendra ses quartiers en juillet pour proposer une websérie sponsorisée par Deliveroo. Il faisait de même l’an dernier dans les coulisses du Tour, pour France 3. Cette année, il se lâche, en toute liberté !

Pour autant, le jeune homme se défend d’être un youtubeur : « Je ne suis pas vidéaste, je suis plutôt photographe. J’avais fait de supers vidéos avec un spécialiste du Fixie Art pour youtube, mais ça n’a pas décollé. Youtube ne valorise pas la qualité, mais la com’ qui est faite autour. » Quant à sa propre émission de télévision, il y pense mais « il (lui) manque les codes et les contacts pour monter un vrai projet ».

Management bienveillant

« De toute façon, je ne me vois pas faire des spectacles toute ma vie, confie-t-il. Je m’imagine plutôt sur une estrade à faire des conférences. Aujourd’hui je passe les trois quarts de mon temps à monter des spectacles à vélo. Demain, je voudrais les passer à faire des conférences sur la motivation et le dépassement de soi, pour des entreprises ou des groupes de gens. Je travaille déjà avec le médecin Philippe Rodet sur l’idée de management bienveillant. C’est-à-dire abandonner le management par le stress et jouer sur des leviers de motivation positifs comme la liberté, le sens ou la justice. L’idée c’est de créer la performance par le bien-être. »

Lire aussi : le portrait de Ludo le fou, l’homme au corps sans limite.

Clément Leroy est une sorte de « Cyclo-Bouddha » (marque déposée par l’auteur), en lévitation sur son vélo. Il fait partie de ces êtres solaires qui irradient d’énergie positive. Des gens dont il faudrait balancer les vidéos dans l’espace, à la rencontre d’extraterrestres, histoire de leur dire : « N’ayez crainte, venez en paix, car voilà ce que c’est que d’être humain ! » En attendant ce first contact, Clément poursuit son rêve éveillé. « Pour l’heure, mon unique but est de continuer à rêver et de vivre de ma passion. Je verrai bien où ça me mène ! » / Jacques Tiberi (Photos : Fixed Boys)