Le « poète de proximité » Marien Guillé prend la plume. Laissez-vous surprendre par son récit de voyage, en France. Un voyage qui ne laisse pas indifférent.
Vous en êtes à l’épisode 11 : « Revenir »
Il y a foule d’endroits où, si l’on arrive à pied, sont bien plus puissants et plus impressionnants que si on y arrive à l’aide d’une propulsion motorisée, derrière une vitre ou sans aucun effort du corps : quelque chose d’unique nous pénètre, quelque chose d’immédiat, comme un flot qui se déverse, nous emporte tout entier. Pendant quelques secondes on ne fait plus qu’un avec ce lieu. Il n’y a aucune vitre qui en nous coupe, rien qui nous en sépare.
Tout voyage est une autre façon de marcher. Une autre démarche. Une autre manière d’habiter la terre, différente de la vie quotidienne. Voyager interroge le fait même d’habiter. Où vit-on ?
On vit là où on est à chaque instant.
On habite seulement là où on est.
On ne vit qu’à un seul endroit à la fois.
On habite seulement là où on est au moment où on y est, rien d’autre, nulle part ailleurs, et c’est en se dépouillant de toutes nos adresses, de tous nos ailleurs, que l’on arrive, enfin, que l’on peut le mieux du monde se concentrer sur l’instant, jouir de l’instant présent, s’en approcher au plus près. Le toucher.
Vadrouiller sa maison sur le dos nous force à ne pas habiter ailleurs que dans le moment présent, à habiter le lieu où on est au moment où on y est, n’avoir qu’ici et maintenant pour seule adresse.
Souffles qui nous manquent
L’errance demande de la rigueur. L’errance intérieure connaît moins de limite et de contrainte que l’errance physique. On pourrait rester chez soi et marcher dans sa tête. On pourrait rêver à tous les chemins, imaginer les villes, les gens, les rencontres, écrire des histoires, on irait plus loin, on se perdrait plus facilement et surtout, on pourrait rentrer chez soi rien qu’en ouvrant les yeux. Dans la vie, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui partent et, de l’autre, ceux qui restent. Il y a des nécessités, des appels, des souffles qui nous manquent à certains moments de la vie. Dès que quelque chose s’installe trop profondément en nous, ou bien que nous sommes installés trop sérieusement dans quelque chose, se fait sentir, parfois, ce besoin de partir.
L’errance nous met un peu hors du rythme du monde. On ne rentre jamais chez soi et on doit toujours chercher où aller. Dès qu’on veut faire quelque chose dans le monde – aller voir un spectacle, dîner chez un ami – il faut toujours anticiper les déplacements, s’accorder sur les horaires, s’organiser, s’adapter, prévenir, se dépêcher, respecter son engagement, être à l’heure, improviser –mais pas trop – en cas d’imprévu, dépendre de leurs imprévus à eux, sans oublier de s’émerveiller, de contempler, de découvrir, de rencontrer… Bref, l’errance, c’est un vrai travail de ministre !
On a besoin de planifier ses journées alors qu’on voulait vivre sans programme. Avoir une maison, ça laisse plus de libertés pour organiser son temps sans se heurter à celui des autres.
En itinérance, il faut sans cesse accorder son temps à celui de l’autre, chaque jour accorder son quotidien au rythme de celui qui nous reçoit.
Proverbe chinois
Un proverbe chinois dit : « La maison appartient autant à celui qui l’habite qu’à celui qui la . » La visite fait de vous quelqu’un qui a une place particulière dans le foyer. Vous êtes là comme tout le monde, mais vous ne resterez pas. Alors, il faut faire avec vous tout ce qu’on peut avant que vous partiez. La vie s’accélère, s’étire, le temps se compte autrement, votre présence chamboule le quotidien, on vous accueille avec un esprit de fête. Mais il y a des soirs où on sent que cette magie n’est plus là, que vous n’êtes plus capable de la recevoir. On vous donne donc moins, on vous traite avec des paroles plus retenues, des gestes plus mécaniques.
Les amis vous accueillent parfois au cœur d’un désœuvrement, d’une lenteur, d’un long sommeil qui dure même en plein jour. Ils vous font entrer à l’intérieur d’un espace vital limité à ce que l’on vous donne. Vous ne prenez rien, vous accueillez. Comme ils vous accueillent. Parfois au milieu de longs silences, parfois dans une euphorie incontrôlée, parfois au milieu d’un agenda bondé, d’un affairement sans limite, d’un remue-ménage incessant.
Oui, il y a des jours où on aimerait être seul, chez soi, sortir boire un café, téléphoner à un ami, dis tu fais quoi ce soir, des jours où on est épuisé de porter son sac, d’arriver encore dans une nouvelle maison, de devoir s’adapter à nouvel univers de plus, de devoir suivre le rythme d’une famille, d’une personne, d’un couple, les attendre, les retrouver, leur raconter tout ce qu’on a vu, d’où on vient, où on va, les entendre raconter ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, ce qu’ils espèrent, ce qui les désespèrent, tout ce qu’ils ont fait depuis la dernière fois qu’ils vous ont vu. Puis attendre qu’ils aillent se coucher, s’installer dans le salon, déplier le canapé, prendre enfin une douche. Déambuler dans la pièce, observer l’intérieur de la maison.
Rester encore
La lumière du salon nous brûle les yeux, on essaie d’attraper un livre, mais on s’endort, épuisé de ne pas avoir eu le temps de lire, d’écrire, le temps de ne rien faire, de s’ennuyer, le temps d’avoir eu une minute à soi, seul avec soi-même, on s’endort épuisé, emporté dans la vie des autres.
On sent notre temps qui s’échappe, qui se fait avaler par celui de ceux qui nous accueillent, à qui on se doit de donner tout le temps qu’on peut. On est venu chez eux pour se sentir comme chez soi, mais on ne peut pas faire comme si on était complètement chez nous, comme s’ils n’existaient pas, comme si nous étions à l’hôtel, il faut se concilier, se réduire, se fondre dans l’urgence d’être reçu quelque part.
Il y a ceux qui vous font comprendre que vous ne devrez pas tarder à partir, ceux qui vous réclament de rester encore. Votre énergie balance et ne se maîtrise plus. Il y a des soirs où cette aventure d’aller toujours visiter quelqu’un est épuisante. On manque d’espace vital. On manque d’énergie pour accueillir encore et encore partout où on nous accueille. Il y a des soirs où, même si toutes les portes nous sont ouvertes, on a le sentiment de n’avoir nulle part où aller.
Nulle part où aller pour se sentir chez soi.
Pour être seul avec soi.
Vos amis
C’est quand j’étais moi-même fatigué de traîner mon corps sur les routes que j’avais le plus de mal à trouver où aller, chez qui me rendre sans déranger.
Toutes ces invitations, viens chez nous, c’est parfois lancé comme du vent, du sable, c’est une parole en l’air. Lorsqu’on arrive, la vie a déjà été si fragmentée, anticipée, aménagée… qu’il est difficile de vous faire une place dans tout ce quotidien qui n’est pas le vôtre.
Dans chacun de vos gestes, vous remerciez ces gens d’être vos amis. Mais, un jour, ça ne suffit plus. Ce n’est ni vous, ni eux, ce n’est pas leur hospitalité qui disparaît, ce n’est pas votre aventure qui n’existe plus, qui ne sait plus où trouver sa place, c’est juste la fatigue de ce tremblement, un essoufflement, un besoin de vide, une incapacité à accueillir encore et encore, après tant de visages, tant de kilomètres, tant de surprises, tant d’imprévus, c’est juste l’envie de se poser et de ne rien foutre, la fatigue de toujours anticiper, prévoir, organiser, trouver où aller, c’est l’envie de se laisser porter qui ne coïncide plus avec le fait d’entrer dans des vies pressées, chronométrées, où les horaires et les déplacements organisés font la loi.
À quel moment on devient un poids pour les autres ? À quel moment notre présence chez eux n’est plus légère ? À quel moment on se sent devenir clandestin dans le royaume d’autrui ?
Bail temporaire
Ne ratez rien de l'actualité du Zéphyr
Transit temporaire ou émigration clandestine ?
Ne pas rester trop longtemps ici.
Dois-je renouveler ma demande d’asile ? Mon bail temporaire chez celui qui m’accueille depuis déjà si longtemps? Celui qui me fait une place dans la clairière de sa vie ?
Se sentir un étranger, un migrant dans son propre pays, dans son propre quartier, dans sa propre maison.
Tant de fois, chez d’autres, je me suis senti aussitôt la porte franchie, comme chez moi. Et pourtant, il arrive un moment où on sent qu’arriver quelque part, être hébergé chez des gens n’est plus aussi naturel et dérange davantage jusqu’au début ; ce ne sont pas les gens qui ont changé, car pour eux, c’est toujours la première fois que vous venez chez eux, vous ne revenez jamais deux fois au même endroit, vous passez, vous passez votre chemin, ce ne sont pas eux.
C’est vous, vous qui êtes envahi peu à peu d’un épuisement lent et invisible, d’une fatigue à retardement, d’un ras le bol de la route, de l’incertitude, du sac à porter, de l’ignorance quant à où vous allez dormir, qui vous pourrez voir, jusqu’à quelle heure vous pourrez pioncer, faire la grasse mat’, ce que vous allez pouvoir faire dans la journée, si vous pourrez laisser votre sac quelque part… C’est votre capacité à recevoir, à lâcher prise, à vous laisser porter qui n’est plus la même.
C’est cette lassitude, ces gestes et ces paroles répétées, arrivée-retrouvailles-déballage-repos-replier bagage et dégager – cette dépendance aux autres qui vous privent d’un espace vital et d’une bulle intime.
Amoureuse
Vous ressentez cette fatigue, vous finissez par l’habiter et on vous la renvoie inconsciemment. Vous l’attirez à vous, vous la provoquez.
Alors, on ne vous accueille plus, on tolère votre présence ; on ne vous invite plus, on vous dépanne, on fait le minimum syndical, amical, on veut bien vous dépanner. Mais en revanche demain je m’en vais tôt, autrement dit, tu ne t’installes pas…
On vous a donné une adresse. C’est dans cette ville que vous connaissez le plus de monde et pourtant c’est là où vous avez le plus de mal à trouver un toit en dérangeant le moins possible.
Oui, il y a des soirs où on l’impression de n’avoir nulle part où aller ; des soirs où on aimerait ne déranger personne, disparaître de la rue, de l’errance, du mouvement, et juste rentrer chez soi, se blottir dans un lit, devant un bon film, contre une amoureuse, au fond d’un lit.
Des soirs où on sent que notre présence est en trop, est devenue un poids, que notre instabilité dérange, qu’on ne peut pas toujours dépendre des autres, qu’on ne peut pas être un électron libre toute sa vie, un fil solitaire dans le tissu, qu’on ne peut pas être toujours à côté, que, merde, il faut bien être quelque part, il faut bien avoir une maison. « Mais comment tu fais, on peut pas être dedans et dehors à la fois… »
Si on est partout chez soi, à quoi bon voyager ?
On est dans une ville immense que l’on connaît (pour y avoir vécu, pour l’avoir traversé), et soudain, car on n’y habite plus, elle devient inconnue, étrangère, nouvelle. Il est l’heure de la découvrir de nouveau, de l’explorer comme pour la première fois, la ville, la grande ville, la nébuleuse, la mégapole, tellement de rues, laquelle prendre, tellement de visages, pas le temps de tous les regarder, lequel saluer, tellement de bâtiments, lequel détailler, tellement de porte, à laquelle sonner ?
Je me souviens de ce que me disait ce vieil homme qui vivait dans une cabane en pierre dans les hauteurs du Lubéron : « De ma fenêtre, je vois un corps de ferme, trois champs distincts, un troupeau, une grange, des hectares de silence et des clôtures qui repoussent le ciel, des cuves à orages, et des chemins de terre qui délimitent l’espace dans lequel je projette de passer le plus clair de mon temps… Le plus clair du temps que la vie m’accorde sur terre. Quelques champs, une maison, un troupeau. Voilà ce que je peux vivre. Voilà ce qui n’est pas trop grand pour moi. Voilà ce qui compose les éléments d’une existence à la taille d’une vie humaine. »
*
Si on est partout chez soi, à quoi bon voyager ?
*
C’est quoi ce sentiment d’être nulle part ? Cette destination inexacte et toujours changeante, cette impossibilité à se mettre en route, cette instabilité, la sensation de ne pas savoir par où, par quel chemin, par quelle issue se mettre en route et avancer vers quelque part ? Cette ignorance du chemin à prendre sans pour autant être perdu?
La frustration, la peur d’être, peut-être, passé à côté de quelque chose de mieux, de plus agréable, de plus pratique, de plus fluide et toujours la nécessité d’apprendre à se contenter de ce que l’on a obtenu en dépit de tous les efforts supplémentaires qu’on aurait pu faire, eussent-ils servis à quelque chose. Apprendre à se satisfaire du présent tel qu’il est et accepter ce qui nous arrive, sans joie excessive ni colère injustifiée. Grande école de la patience et du détachement. École aussi pour apprendre à se débrouiller avec peu de moyens, mais avec du temps et de la patience à revendre si rien ni personne nous attend quelque part excepté les rendez-vous que la providence a placé sur les chemins que nous n’éviterons pas même si nous le voulions.
Décalage délicat
L’errant est souvent celui que l’on croit perdu, que l’on estime le perdant dans la configuration toujours précise de cette vie où chacun sait précisément où il doit se rendre. L’errant cesse de savoir et commence à se laisser emporter. Il cultive l’ignorance pour jouir de l’inattendu. Il attend de se trouver quelque part avant de chercher à être ailleurs. C’est celui qu’on ignore, celui qu’on regarde en soupirant ou en baissant les yeux, avec un mélange d’ironie et d’empathie, celui qu’on laisse au bord de la route, celui qui s’est laissé lui-même au bord de la route, celui que la route a laissé tout au bord du monde, dans une marge instable qui offre chaque jour son lot de basculements, de déviations, de digressions et autres plaisirs psycho-géographiques inestimables.
La parole manque toujours pour se positionner. Pour s’affirmer. Nul besoin d’affirmer, de convaincre, d’obtenir, tout est donné, offert, à prendre ou à laisser. Ainsi, il se crée un décalage délicat avec la vie quotidienne, celle des périodes d’activités, des horaires à respecter et des résultats attendus. Conjuguer ces deux vies, les réunir en une seule, c’est jongler avec des balles qui apparaissent et disparaissent sans prévenir, marcher dans une mer qui hésite entre monter et descendre.
J’écris avec cette frustration d’avoir laissé échapper l’instant présent et le soulagement de n’avoir pas pu le retenir. De ne l’avoir pas retenu. De n’avoir rien fait pour le retenir.
Le chemin
La sérénité, parfois lourde à obtenir, d’avoir laissé la vie œuvrer à ma place. Mais dans quel but ? Comment toutes ces péripéties hasardeuses peuvent-elles, mises les unes au bout des autres, donner un sens à ma vie, une direction à toutes les directions, une destination à laquelle tous les chemins de traverse et les détours me mèneraient sans prendre le soin de m’en avertir, de façon à ce que la surprise me fasse grandir, que je grandisse de mon étonnement. Si la vie est une surprise, alors pourquoi se contenter de ce que l’on sait ?
C’est ce qu’on ne sait pas encore qui importe. C’est seulement vers cela que le chemin doit mener. Ce que l’on sait déjà, on doit le laisser sur le bord, s’en délester. Surtout ne pas s’en alourdir mais au contraire s’en alléger afin d’avoir plus de place dans ses bagages pour tout ce qui reste encore à connaître, à apprendre, à éprouver.
L’errance, cette quête sans but dans un espace aléatoire, incertain ne peut durer qu’un temps. Le nomadisme comme mode de vie à long terme nécessite une coupure nette avec plein d’aspects de la société et de la vie quotidienne qui par ailleurs, m’attire énormément.
L’errance ne peut être qu’une fuite temporaire, un joie à durée déterminée, car il arrive un temps où les réflexes de la culture, de l’identité, de l’éducation sédentaires nous rattrapent et nous mettent en garde : si on s’évertue à durer dans l’errance, la jouissance disparaîtra et ce ne sera plus qu’une errance subie. La frontière est ténue. En la franchissant trop longtemps, il est difficile de faire machine arrière, et il est sage de savoir stopper son errance avant qu’elle ne devienne forcée, un non-choix, insupportable.
Retrouver une activité
Parfois, on se sent désemparé, dépossédé de sa propre existence. Que fais-je ici dans ce lieu où rien ne m’est familier ? Ai-je encore l’énergie d’être émerveillé chaque jour ? Qu’est-ce que j’attends d’être ici ? Rester ou partir? On fait la liste de tous les endroits où on n’est pas tandis qu’on est ici, et on finit par se consoler de ne pouvoir être qu’à un seul endroit à la fois. On vit dans cette instabilité de ne jamais savoir si on est au bon endroit car rien ne nous attache, rattache à ici. Aucune personne, aucune activité, aucune origine. Pourtant on est là, et le lieu nous habite. On se laisse faire.
Bientôt ressurgit la nécessité de faire quelque chose, de retrouver une activité, de réaliser des choses concrètes de son temps, de ses mains, de ses savoirs. La nécessité de se remettre dans un quotidien avec ses joies ordinaires : la café, les copains, la chambre, les trajets quotidiens. La nécessité de se resocialiser, de retrouver un contact social, de ne plus laisser s’échapper le présent.
Car, en errance, en voyage, la plupart du temps, tout ce qu’on rencontre, personnes, lieux, paysages, on le laisse derrière soi pour toujours. L’errance a cette détermination particulière à toujours nous mener ailleurs, plus loin, mais sans réel fil conducteur, sans réel dépassement de soi, sans réelle réalisation, aboutissement. Si ce n’est un paysage intérieur élargi, un état d’esprit plus ouvert, la sensation d’avoir un peu plus éprouvé et goûté le monde au bout de la langue, des yeux, des mains. Si ce n’est une expérience de la vie plus forte. Si ce n’est un bagage intérieur plus rempli, plus riche.
Un jour, il faut revenir dans le concret de la vie.
Ma propre maison
Un jour, nécessairement, une petite voix vient nous dire : il est temps de rentrer à la maison. De retrouver le calme et les habitudes. Le joli sifflement de la vie simple, de la grande vie.
Il arrive un jour où l’on ne veut plus pousser que la porte de sa propre maison.
Après cette marche, après cette itinérance, le mois prochain, c’est sûr, je me retrouve un chez moi.
*
S’il vous plaît, ne dîtes pas que je suis parti.
J’ai quitté la maison ce matin à l’aube sans faire de bruit.
À pas légers j’ai pris le chemin de la colline.
Vous ne m’avez pas vu m’en aller.
Je suis loin maintenant
Mais tout va bien.
Vous êtes dans un profond sommeil
Et à votre réveil je ne serai plus là.
S’il vous plaît ne dîtes pas que je suis parti.
J’avais chez vous entre vos bras tout
Pour éloigner les regrets.
Des mains accueillantes et une place
À votre table.
Mais je dois m’en aller.
Il y a quelque chose qui m’attire
Au-delà de toute raison
Qui est venu me chercher.
Mon sac était prêt.
Où que je sois mes pensées restent avec vous.
Elles vous accompagnent, prennent soin de vous.
Si vous aimez l’oiseau, vous devez le laisser
Battre ses ailes là où bon lui semble.
S’il vous plaît, ne dîtes pas que je suis parti.
Lorsque vous ne verrez plus mon corps
Laissez-le marcher dans votre mémoire
Cheminer dans vos rêves.
Laissez vivre en vous la trace de mon passage.
Laissez s’épancher le souffle de mon corps
Dans votre maison.
Mes pas vibrent et résonnent entre vos murs.
Je vous aime et n’ai rien contre vous, ma reconnaissance est infinie
Mais quelque chose de plus grand que moi m’emporte loin.
Je dois m’en aller et je ne peux vous emmener avec moi.
Je vous aime mais ne dois pas vous posséder.
Je vous aime et veux que vous restiez.
C’est moi qui disparais.
Comme un nuage qui change d’hémisphère.
Je disparais sans mourir. Je quitte votre regard.
S’il vous plaît, ne dîtes pas que je suis parti.
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