Depuis 2014, le jeu mobile Birdlab permet à toutes et tous d’étudier les comportements des oiseaux sur une mangeoire en temps réel. Il a été créé par des enseignants-chercheurs de l’AgroParisTech et le programme de sciences participatives Vigie-Nature. Dans l’équipe, Carmen Bessa-Gomes, instigatrice de l’expérience, vise à déterminer l’influence des humains sur les comportements alimentaires de nos amis à plumes.

Tout a commencé en 2014, près de la fenêtre d’une cuisine. La cuisine de Carmen Bessa-Gomes, pour être exact. Enseignante-chercheuse à AgroParisTech, celle-ci cherche à mieux comprendre les espèces animales, notamment les volatiles, « comment ces derniers adaptent leurs comportements liés à la recherche de nourriture en milieu anthropisé [modifié par l’être humain]« .

Prenez cette problématique, ajoutez-y un soupçon d’intérêt pour les oiseaux, une cuillère de partenariat avec le programme de sciences participatives Vigie-Nature, mélangez bien : voici la recette de Birdlab. C’est une application mobile française pensée comme un serious game, soit un jeu mélangeant ludisme et pédagogie. But de l’opération : étudier le comportement des oiseaux se posant sur une mangeoire.

les couvertures du Zéphyr

Un jeu accessible

Pour jouer, tant à la campagne qu’en milieu urbain, rien de plus simple. Il vous faudra deux mangeoires à plateau, de la nourriture pour oiseaux, un téléphone ou une tablette, et plusieurs minutes de votre temps. Le but est d’identifier les espèces venant se nourrir puis de retranscrire leurs mouvements sur l’application mobile. Cet oiseau reste-t-il manger dans la mangeoire ? Cet autre individu fait-elle des allers-retours ? Viennent-ils en groupe ou en solitaire ?

Carmen Bessa-Gomes est tout sourire quand elle parle de Birdlab. “Je trouve l’application bien conçue. C’est sympa en famille, il y a un côté ludique”, estime-t-elle, assez fière. Pas besoin d’avoir un Bac +5 en ornithologie pour jouer à Birdlab, bien au contraire. « Il y a un mode quiz qui permet de s’entraîner à reconnaître les espèces », précise-t-elle. Pigeon ramier, mésange bleue, mésange charbonnière, moineau domestique, rouge-gorge familier… Les 27 espèces, que l’appli étudie, sont « relativement faciles à identifiées », selon l’enseignante-chercheuse. Le quiz est d’ailleurs un allié de l’étude, car il permet de réduire la marge d’erreurs des données récoltées.

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Une démarche de sciences citoyennes

« Passer par une application rend la recherche de données plus accessible, estime Carmen Bessa-Gomes.  Je pense qu’il aurait été difficile de pouvoir récolter autant d’informations détaillées sur les comportements des oiseaux à la mangeoire autrement. » Comme la chercheuse l’indique, il faut beaucoup de temps et beaucoup de data pour étudier les schémas d’agissements des oiseaux.

Puisque Birdlab est accessible sur tout le territoire français depuis 2014, la recherche bénéficie d’un grand nombre de données. « On a autour de 200 participations par semaine sur toute la France », comptabilise Carmen Bessa-Gomes. Qui dit sciences citoyennes dit résultats accessibles au commun des mortels. Ils sont en accès libre sur le site internet de Birdlab, classés par espèces, zones géographiques et années. A ce jour, 6 180 pages de parties sont visualisables en détails.

Prendre conscience de l’impact humain sur l’environnement

« Pour moi, poursuit-elle, ce n’est pas anodin de nourrir les oiseaux. On a une incidence sur les comportements des communautés aviaires. On a déjà un impact sur ces communautés par toutes nos pressions anthropiques sur les milieux… » D’où la nécessité de récolter des données chiffrées. Elles permettront d’établir la hauteur des répercussions des comportements humains sur les oiseaux – qu’elles soient négatives ou positives. Par exemple, cela peut consister à les nourrir régulièrement en ville, un milieu dans lequel les ressources sont naturellement rares. « Ce n’est pas un absolu “est-ce bien ou non” de nourrir les oiseaux, mais dans quel contexte nous le faisons. » Que ce soit en campagne ou en milieu urbain, un espace fortement modifié par les humains, bétonisé, pollué.

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L’objectif de Birdlab d’ici 2024 est d’analyser les schémas récoltés sur la dizaine d’années passées. A voir plus précisément quelles seront les répercussions de la hausse moyenne de la température sur les espèces en général, d’une part, et sur les espèces migratoires, de l’autre. /Enora Hillaireau