Et si on étudiait, à l’école, l’écologie ? Et s’il s’agissait d’une matière principale qu’on enseignait, en classe et au plus près de la nature ? L’association française Water Family plaide pour une importante réforme du programme, du primaire au lycée, en cette période de campagne électorale pour accompagner les enfants dans la transition.
À quelques semaines du premier tour du scrutin présidentiel, l’association Water Family a lancé une campagne visant à promouvoir la création d’une nouvelle discipline, phare, à l’école : l’écologie. Entourée de scientifiques et de sportifs, la structure, qui vise à sensibiliser à la préservation de l’eau depuis plusieurs années, souhaite que l’on épaule davantage les élèves, du primaire au lycée, au sujet de la protection du vivant auquel, nous, humains, appartenons. Et ainsi que l’on insiste, dans les classes, sur la nécessaire adaptation au changement climatique… « Il ne s’agit pas juste d’ajouter une nouvelle discipline », nous précise l’asso, à l’origine d’un manifeste à signer en ligne (et d’une vidéo de présentation). Le Zéphyr a voulu comprendre.
« Comprendre les impacts de l’activité humaine sur une goutte d’eau »
Qu’est-ce qui a motivé la création de l’association ?
Marion Sadi, responsable de la communication de l’association : Le nom complet de l’association, c’est Water Family – du flocon à la vague. Au départ, elle avait organisé un événement sportif autour de l’eau, en 2008. L’idée était d’organiser un trail visant à suivre le trajet d’une goutte d’eau, depuis les Pyrénées jusque dans l’océan, à Biarritz. Bizente Lizarazu, Tony Estanguet ou le snowboarder Mathieu Crepel y avaient participé. But de l’opération : sensibiliser à la protection de l’eau, et comprendre les impacts de l’activité humaine sur une goutte d’eau, de la montagne à l’océan. Et on a commencé à mettre en avant cette notion d’eau invisible…
C’est-à-dire ?
Il y a l’eau que l’on voit au quotidien (via le robinet, la machine à laver, etc.) – c’est déjà énorme, 150 litres par jour et par personne -, et il y a celle qu’on ne remarque pas : 4 000 litres tous les jours pour chacun et chacune d’entre nous… C’est l’eau utilisée pour fabriquer, concevoir ou produire notre alimentation, nos vêtements, nos transports, mais aussi ce qui est à l’origine de notre consommation numérique. C’est une eau également polluée, d’où l’urgence de sensibiliser pour protéger la ressource. L’asso intervient dans les établissements scolaires, aux quatre coins de la France.
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« Les entreprises aussi ont un rôle à jouer »
Quels thèmes abordez-vous ?
On aborde tout un tas de sujets à partir de la question de la préservation de l’eau. L’association se veut inspirante et positive, on dit aux enfants qu’ils peuvent changer, ils ont le pouvoir d’agir. Or, pour cela, ils ont besoin d’informations et de solutions… On parle de protection de la biodiversité, de reconnexion à la nature, de relocalisation, de permaculture, de low-tech. En réalité, on aborde l’importante question d’adaptation au changement climatique. On propose des manuels scolaires en open-source.
Vous formez des enfants, des classes, mais pas seulement…
On forme aussi des structures, comme la Fédération française de surf, des collectivités, ou des sociétés, on accompagne des collaborateurs, des chefs d’entreprise… On considère que des sociétés ont un grand rôle à jouer dans la transition. On sait que certaines entreprises ne sont clairement pas sur la bonne voie et pratiquent du greenwashing. Mais beaucoup ont besoin d’accompagnement et ont une démarche sincère. On a des demandes de compagnies ayant déjà entamé une démarche RSE, et d’autres, plus ou moins perdues, qui ne savent pas par où commencer. L’association explique en premier lieu ce qu’est l’eau invisible. Il faut en passer par là pour savoir comment ne pas polluer, ne pas gaspiller… On essaye de s’adapter à chaque entreprise, chaque secteur.
« L’adaptation au changement climatique »
Vous avez donc lancé une campagne pour que l’écologie soit enseignée comme une matière principale…
Si le gouvernement avait mis en place cette matière que nous appelons de nos vœux, l’asso n’aurait pas de raison d’exister. L’idée est d’enseigner l’écologie, et tant en classe, pour la théorie, qu’en pleine nature. Car, pour connaître et savoir protéger le vivant, il faut sortir des bâtiments, et toucher à la terre. Il faudrait qu’il y ait des ateliers dans des parcs, les forêts…
L’écologie est une discipline scientifique étudiant les écosystèmes, le monde du vivant, les relations que les espèces entretiennent ensemble, les liens aussi avec leur environnement. Et du vivant nous faisons partie. On aimerait que ce soit une matière enseignée du primaire au lycée. Il faut qu’elle soit présente tout au long du parcours.
Il faut aider les enfants à développer une conscience au vivant, les former à l’adaptation au changement climatique. Il convient de parler de sobriété, de biomimétisme, de la loi de l’entraide, de coopération qui prédominent au final au sein du monde du vivant, au sein de la nature, de faire sortir les jeunes afin qu’ils observent leur environnement tels des naturalistes.
En tout cas, il faut vraiment que le prochain gouvernement prenne à bras-le-corps cette question pour mettre en place cette discipline, tant attendue.
Concrètement, comment y arriverait-on ?
L’éducation au développement durable existe d’ores et déjà. Or, c’est une thématique transversale, non une discipline en tant que tel. Il faudrait aller plus loin, justement. Il faudrait impliquer les professeurs. Pas seulement ajouter une discipline en plus des autres, car les programmes sont déjà très denses. Il faut adapter l’ensemble pour que ce ne soit pas trop lourd du côté des enseignants et des élèves.
On parle déjà d’environnement et d’urgence climatique dans les différents programmes, non ?
On parle déjà un peu d’écologie en SVT ou en géographie, mais je pense que nous pourrions dégager quelques heures hebdomadaires pour traiter globalement de cette thématique. Dans le programme des sciences de la vie et de la terre, il est question d’écosystèmes, de végétaux, mais pas assez d’humains, de connexion au vivant, de consommation responsable, de résilience.
De plus en plus de profs essaient d’évoquer ces sujets dans leur temps dédié en classe, mais cela dépend encore trop de leur volonté, de leur bon vouloir. Ces derniers pilotent également des projets de sensibilisation en dehors de leurs cours, avec les éco-délégués, ici ou là (techniquement, il devrait y en avoir un ou une dans chaque classe du secondaire pour sensibiliser les jeunes aux questions d’environnement, notamment, ndlr). Et ce sont des initiatives très intéressantes qui permettent d’éveiller les élèves.
Or, le dernier rapport du Giec l’a redit : il nous manque du temps, il faut que l’on se bouge au niveau de l’éducation. En tout cas, il faut que le débat ait lieu, qu’on y réfléchisse. C’est un vaste chantier qu’il nous faut entamer. / Propos recueillis par Philippe Lesaffre