Ils sont suisses, se sont rencontrés à l’école et ont fondé RecycleMJB : une association qui donne une deuxième chance à tous les objets abandonnés dans la rue.

les couvertures du Zéphyr

Souvent, des pièces peuvent être détachés et resservir autrement, scandent-ils à droite à gauche. Le Zéphyr a rencontré Martin et Jérémy de RecycleMJB, deux obsédés de l’économie circulaire, qui veulent montrer que nous pouvons tous agir, à notre niveau, inciter chacun de nous à mettre la main dans le cambouis.

Le Zéphyr : Racontez-nous la genèse de votre association…

Martin : Nous nous sommes rencontrés lors de notre cursus scolaire à l’âge de 14 ans. Nous sommes deux Genevois, tous deux passionnés depuis notre jeunesse par la construction. Aujourd’hui, nous avons 20 ans et nous préparons une formation universitaire et technique, l’équivalent d un CAP. C’est à travers la passion du vélo que nous avons commencé à nous associer afin de redonner vie à des vieux cadres démantelés.

Cela nous permettait d’économiser de l’argent dans l’achat d’une bicyclette et surtout d’être fiers d’un objet que nous avions réalisé nous-mêmes. Au fil des années, nous avons accumulé les prototypes qui correspondaient de plus en plus à nos critères et nous permettaient parallèlement de gagner un peu d’argent pour l’achat de divers outils nécessaires à la construction.

En effet, étant sensibles à la problématique écologique, nous trouvions là le moyen d’allier le manque de moyens financiers, notre amour de la construction et la défense de valeurs qui nous étaient déjà chères. Puis, en observant que les vélos n’étaient pas les seuls « indésirables » jetés à la rue, mais que d’innombrables meubles et matières premières, tels que le bois ou le métal, étaient omniprésents, nous avons décidé de varier nos constructions.

Et donc vous mobiliser…

Exactement. Ayant auparavant acquis de bonnes compétences techniques en matière de réparation, nous nous sommes lancés dans la construction de divers projets réalisés en grande partie à partir de matériel recyclé : tables basses, porte-clés, supports de papier toilette, chaises… Nous pouvions ainsi lutter à notre échelle et reprendre le contrôle sur la production de meubles ou d’objets trop souvent mal construits.

Une grande étape dans notre collaboration fût la publication de nos créations sur les réseaux sociaux, qui nous a permis de faire connaître notre travail à plus large échelle. Puis nous avons récupéré des chambres à air dans différents magasins de vélo genevois, ce qui nous a permis d’étendre nos connaissances en matière de couture, afin de réaliser des sacs à main, à dos, des portes-monnaies, des trousses…

Quelles sont les dernières évolutions pour vous ?

Aujourd’hui, notre association vient tout juste d’être fondée à titre officiel avec la participation d’une troisième collaboratrice recycleuse. Nous avons aussi investi pour concevoir un site internet permettant au plus grand nombre de suivre nos projets sans passer par les plateformes des réseaux sociaux.

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Et à l’avenir ?

Notre atelier actuel se trouve chez l’une de nos grand-mères en appartement et nous stockons dans diverses caves à Genève. Notre objectif pour les prochaines années est de promouvoir notre association afin de trouver des membres actifs qui pourraient nous présenter leurs projets de recyclage. Ils pourraient alors bénéficier du soutien matériel et des conseils de l’association. La recherche d’un local de travail et d’un centre de stockage et d’exposition est aussi l’une de nos priorités afin d’accueillir nos membres dans les meilleures conditions possibles. Et que chacun puisse, sur place, échanger des conseils.

Au fond, le but du jeu est-il de sensibiliser le plus possible…

Tout à fait. Nous avons fondé cette association avec l’intention première de populariser le recyclage. Notre collaboration a permis à ce jour d’inspirer, nous l’espérons, plusieurs personnes à réaliser des objets du quotidien par eux-mêmes et ce, à partir de matériels recyclés. Des indésirables qu’on peut réintégrer dans un nouveau cycle de production original. De cette manière, nous proposons une alternative à la production de masse des grandes industries généralement basées à plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres de leurs consommateurs. Nous proposons d’alléger notre dépendance actuelle vis-à-vis des grands groupes…

Le fameux canapé-citerne

Du coup, il y a l’idée de repenser notre rapport aux objets de notre quotidien, non ?

Oui, c’est indispensable. Prenons l’exemple d’un vélo : le but de cet objet est bien sûr lié au déplacement, mais lorsque ce vélo deviendra inutilisable, il faudra réussir à retrouver la source du problème. Généralement, cela consiste à remplacer un ou plusieurs éléments qui, la plupart du temps sont accessibles et ne posent pas de grande difficulté à être remontés. Ce n’est qu’en dernier ressort, lorsque le vélo en question arrive définitivement en fin de course qu’il est nécessaire d’élaborer une réflexion quant à sa première fonction.

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Notre fameuse bicyclette se verra désarticulé et ses pièces réutilisées, selon les besoins de tout un chacun, sous forme d’innombrables constructions tels que porte-manteaux, cintres, tables basses, bougeoirs, cadres photos, et la liste s’allonge. Ce ne sont pas les idées qui manquent, mais à l’heure où il nous suffit d’un clic pour obtenir ce dont nous désirons, l’imagination collective s’en retrouve malheureusement bien appauvrie… Qui peut encore se permettre de mobiliser son weekend pour réaliser une chaise ? Nos sociétés accusent des signes d’essoufflement, épuisant les ressources naturelles. Alors qu’est-ce qu’on attend ? / Philippe Lesaffre (photo MJB)