L’éco-syndicat Printemps écologique vise à pousser les entreprises à bifurquer. « Il est nécessaire de réduire la pression sur les ressources naturelles », comme l’indique Armand Blondeau, cofondateur et membre du bureau de la centrale avec qui nous nous sommes entretenus.
Dans les cortèges contre la réforme des retraites, son nom est apparu sur les pancartes à de nombreuses reprises. L’éco-syndicat Printemps écologique, comme les autres syndicats puissants, conteste le projet gouvernemental visant à repousser l’âge du départ de la retraite à 64 ans (contre 62 actuellement). Comme l’observe Armand Blondeau, membre du bureau de l’organisation syndicale, lancée en 2020, « cotiser plus, c’est travailler plus et extraire plus »… Selon lui, l’impact de la réforme telle qu’elle a été présentée par l’exécutif, tant environnemental que social, n’est pas à négliger.
Il convient de songer à ce qui pousse ces femmes et ces hommes à battre le pavé pour ne pas avoir à rester au boulot deux ans de plus afin de bénéficier d’une retraite à taux plein. « Toutes ces personnes ne sont pas allergiques au travail, loin de là. Seulement, précise Armand, beaucoup réclament de meilleures conditions de la part des employeurs, ainsi que des jobs qui leur font sens. » En d’autres termes, ils ont besoin de se sentir peut-être plus utiles. « Le travail doit être libérateur et non aliénant… »
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« Arriver à changer les pratiques professionnelles »
Et puis de quoi parlons-nous ? « Le travail ne concerne pas que les emplois rémunérés ou salariés », indique-t-il. Beaucoup s’engagent à titre bénévole au sein d’associations, et ne comptent pas leurs heures. Et en particulier les retraités. « Sans eux, de nombreuses organisations auraient peut-être plus de mal à poursuivre leurs activités… »
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Depuis trois ans, l’éco-syndicat Printemps écologique, qui compte Armand Blondeau parmi ses fondateurs, vise à accompagner le personnel des entreprises. Via l’instance des représentants, le comité social et économique, ou non… But de l’opération : que les salariés des PME pèsent et provoquent, in fine, la bifurcation sociale et environnementale de leur organisation. L’objectif final : « Arriver à changer les pratiques professionnelles, transformer le modèle économique des sociétés. » Tout simplement, car il convient de limiter les risques et de s’adapter, collectivement, aux effets déjà perceptibles du changement climatique. « Il est nécessaire de réduire la pression sur les ressources naturelles, et cela suppose, sur certains secteurs, de décroître, mais sans pénaliser les salariés touchés… »
« Meilleure pour le… monde et non meilleure du monde »
En clair, les compagnies sont invitées à ne plus viser uniquement la compétitivité et la croissance avant tout. Mais elles peuvent songer à un autre type de performance, plutôt axée sur les questions sociales et écologiques. Comme le dirait Thomas Breuzard, co-président du B-lab France, l’association regroupant les entreprises certifiées B Corp (label exigeant récompensant les acteurs engagés), une société a tout intérêt à chercher à être « meilleure… pour le monde plutôt qu’à être la meilleure au monde ».
Encore faut-il avoir un aperçu global de l’empreinte environnementale d’une entreprise sur son environnement, sur son territoire. Chacune devrait pouvoir mesurer les émissions de gaz à effet de serre qu’elle génère en fabriquant et en vendant tel ou tel bien ou service. Et ce, en pensant à l’ensemble du cycle de vie des produits, jusqu’à la destruction. Oui, elle doit calculer ce qu’elle consomme en eau et en énergie, de manière directe et indirecte. C’est une réalité. Souvent, les grands groupes n’ont pas connaissance de ce qui se passe en amont, au niveau des fournisseurs des fournisseurs.
Certains ferment les yeux, de manière plus ou moins volontaire, alors que leurs activités peuvent par exemple accélérer la déforestation, même si ce n’est pas exprès. Armand l’a constaté quand il travaillait pour l’ONG Geres, lui qui étudiait, depuis le continent asiatique, l’usage énergétique du bois dans l’industrie du textile. « Certaines marques ne se rendaient pas compte des externalités… »
Se projeter, sortir du tout-ski
Le hic : nous achetons, consommons, jetons (souvent après usage unique), puis nous recommençons, à l’infini. Comment favoriser une économie moins linéaire, plus circulaire, plus vertueuse, tout en répondant favorablement aux besoins et au bien-être de l’ensemble des citoyens ?
Il est temps d’y songer, en gardant à l’esprit que tout peut s’écrouler. C’est en tout cas le raisonnement de la station Métabief, dans le Jura, qui dépend entièrement d’une ressource – la neige – de plus en plus rare et aléatoire. « Elle est partie du principe qu’elle avait à inventer un autre modèle économique et s’est engagée à tourner totalement la page du ski d’ici les années 2030… » Les territoires de montagne sont fragilisés et très exposés aux effets du changement climatique. Les glaciers s’effondrent entre autres conséquences… Toujours est-il que les organisations peuvent cartographier les risques et leurs vulnérabilités, surtout : « anticiper ». Et puis se projeter, se préparer à un avenir meilleur. Un futur plus sobre, plus durable. / Philippe Lesaffre