Entre 1969 et 1973, Gérard Janichon et Jérôme Poncet ont réalisé sur leur voilier Damien un tour du monde spécial, qui restera dans les annales. Une bande dessinée, paru en mai chez Glénat, en retrace les grandes lignes… Une ode à la liberté…
Isabelle Autissier l’indique au Monde. « Dès que j’ai rêvé de bateau, ce sont les récits de grands marins qui ont nourri mon imagination. » Parmi eux, un certain Gérard Janichon. Explorateur et auteur, il a réalisé avec son complice Jérôme Poncet un tour de monde entre 1969 et 1973, sans expérience particulière en navigation. Un périple hors du commun, un brin filmé, qui en a fait rêver plus d’un, un voyage initiatique de 55 000 miles à bord de leur mythique monocoque Damien, durant lequel ils ont su défier le vent rebelle et rejoindre les terres dont ils rêvaient, des îles d’Europe du Nord et des pôles arctiques au Grand Sud, en passant par les zones tropicales et, encore, le fleuve Amazone. La vingtaine, à l’époque, ils ont raconté à de multiples reprises cette odyssée, gravée à jamais dans leur mémoire. Et, en mai dernier (chez Glénat), Gérard Janichon a publié l’album Damien, l’empreinte du vent. Une bande dessinée joliment coloriée par Vincent visant à retracer dans ses grandes lignes ce voyage totalement fou, cette ode à la liberté, cette aventure totalement dédiée à la mer.
À la lecture de ces presque 170 pages, on comprend comment les deux hommes ont vécu cette quête vers l’inconnu, on découvre les émotions qu’ils ont ressenties, et ce qu’ils ont appris. « Les terriens pensent que naviguer consiste à aller d’un port à l’autre. » (1) Or, pas du tout. « Le voyage est autre, il commence quand on oublie la géographie, quand on abolit le temps. » Ils l’ont observé durant ces quatre ans loin de tout, sur un bateau, loin des continents, au milieu des vagues, « on perd la notion du temps ». Le rythme diffère. « On entre dans une autre dimension » ; « l’horizon n’est plus une ligne droite nette comme un coup de crayon ».
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« Les océans ont pactisé avec les vents terrifiants »
Après ce tour du monde, ils sont revenus changés à jamais, les souvenirs plein la tête, les nombreuses et belles rencontres, et… le comportement de l’océan, pas toujours tranquille, loin de là. « La mer offre beaucoup, mais elle est exclusive, jalouse. » Avant le départ, les deux skippers semblaient penser, à tort, que « le vent et les nuages gouvernaient l’univers, pas la mer ». C’est qu’elle n’invite pas au repos, surtout les eaux du Sud. Ils « ont pactisé avec les vents terrifiants, ils rugissent, ils hurlent à pleins poumons, les vagues se chevauchent en hauteurs parfois surnaturelles », lit-on. En somme, on peut y entrer, mais il faut s’y préparer. « Le marin avance à tâtons en ce monde, la peur au ventre. »
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Malgré la difficulté, les barrières, les éléments naturels qui se dressent, il y a ce que retiennent les marins, ce pourquoi, au final, ils ont voulu partir, cette reconnexion avec ce qui les entoure. Ne peut comprendre celui qui n’a jamais choisi de prendre le large. Les paysages, les espèces offrent des vues à couper le souffle, le soleil qui se couche, les albatros qui les accompagnent, les manchots qui les accueillent sur la Terre Adélie, le spectacle est grandiose. Comme le dit l’un des deux marins, « il n’y a que l’instant qui compte. » Au sein du monocoque ou lors de leurs halte sur terre, ils l’ont bien retenu, au fil des années… / Philippe Lesaffre
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Vendu à de nombreuses reprises, tombé en désuétude, le voilier Damien, éventré, oublié, est classé monument historique en 2002. Il appartient aujourd’hui au Musée maritime de La Rochelle, où tout a démarré. Il a été restauré et a commencé une seconde vie il y a quelques années.
1) Les citations sont extraites de la bande dessinée