Juin 2019 : Jérémie Janot, né à Valenciennes, annonce son retour dans sa ville natale. L’ex-goal deviendra, l’an prochain, l’entraîneur des gardiens de but. Longtemps dans les cages de Saint-Etienne, le taulier performant n’hésitait pas à bondir tel un chat et à se déguiser en Spiderman. Il raconte ses meilleurs souvenirs, dans son autobiographie, Sans filet.
En ce mois d’avril 2011, dans le virage sud, des supporters bordelais se mettent à chanter. « Janot, si t’es sympa, laisse marquer Ben Khalfallah », hurlent-ils, tout joyeux. Les Girondins de Bordeaux affrontent ce soir-là Saint-Étienne, à domicile, et les marines et blancs espèrent que leur attaquant trouve enfin le chemin du filet, lui qui n‘a pas marqué depuis 32 rencontres. Même si leur club mène 1-0, les supporters, dans le dos du portier stéphanois, réclament un deuxième but, en chantant. Jérémie entend tout, et cela le fait marrer. Mais le goal n’acceptera pas la requête des Bordelais, qui gagneront tout de même 2-0.
Peu importe, cette scène amusante prouve que le chouchou de Geoffroy-Guichard, à Saint-Étienne, auteur d’une autobiographie, Sans filet (sorti il y a peu chez Marabout), a du talent ! Or, pour en arriver là, il faut du travail. Tant mieux, cette valeur est un pilier de sa vie, le maître mot de sa destinée.
Le “tcho gamin”, comme il se dénomme dans son livre, a commencé très jeune à taper dans un ballon. Tout a commencé à Valenciennes en 1982, où, à l’âge de cinq ans, il signe sa première licence de football. Et ses proches vont l’accompagner, pas à pas.
« Un jour, je jouerai contre lui »
Il se rappelle de son oncle Jojo, qui lui a transmis son amour du ballon rond, mais aussi de sa mère et de son beau-père, qui lui ont laissé vivre sa passion. Et de son père également, cet homme qui ne l’a pas vu grandir, mais qui l’a retrouvé lors d’un match en janvier 2001, pour lui… présenter ses deux demi-sœurs, elles aussi sportives, championnes de rugby avec Lille, et aujourd’hui consultantes. Ressent-il d’ailleurs un manque, de ce point de vue-là ? « Si vous n’avez jamais goûté au chocolat, il y a peu de chances que cela vous manque d’en manger”, répond-il dans son autobiographie.
Le foot a bercé son enfance, il se rappelle de son maillot d’Alain Giresse offert par sa mère, ou de ses vignettes Panini. Mais si le jeune Jérémie, né en 1977, devait ne garder qu’un seul joueur en mémoire, il le chercherait plutôt du côté de Paris. Il choisirait son modèle des années 90, Bernard Lama, qui amènera au PSG son premier titre européen, en 1996. A sa mère, il disait : “Tu verras, un jour, je jouerai contre lui.” “Dans mes yeux d’enfant, Bernard Lama représentait le talent, le panache et la réussite”, écrit Jérémie dans Sans filet. C’est en voyant les envolées du portier du Paris-Saint-Germain que Jérémie s’est mis à rêver.
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Un rêve… dur à atteindre, vu son petit gabarit d’1,76m. Car, dans les années 90, les entraîneurs ne prennent généralement pas de gardien de moins d’1m80 dans leur équipe, à l’instar d’un certain Arsène Wenger, à l’époque entraîneur de Monaco. Mais cela n’atténue pas sa détermination. Des qualités, il en a : l’un de ses voisins âgés de sa résidence l’avait d’ailleurs surnommé Zébulon. Le garçon a une certaine détente et une bonne explosivité qu’il a pu travailler en sautant dans la cour de son immeuble du quartier de la Briquette, à Valenciennes, ou en pratiquant la boxe thaï dès ses 7 ans.
« Coupet, personne n’a dû le saouler plus que moi »
A 15 ans, en juillet 1993, sa mère le prend avec son beau-père et emménage à Mont-du-Forez. Évidemment, la destination n’est pas anodine, c’est ici que le jeune Jérémie signe pour vivre son rêve en pro, sous les couleurs stéphanoises. C’est là qu’il rencontre son mentor, nommé Grégory Coupet. Dès qu’il peut, il vient le voir s’entraîner. Le goal est un travailleur acharné et possède une maturité certaine pour ses 22 ans. Le jeune Janot va même jusqu’à l’attendre sur le parking, ou, après la douche, il le harcèle de questions, curieux :
“Le pauvre… Pendant sa carrière, personne n’a dû le saouler plus que moi. Pourtant, à chaque fois, il a fait preuve de la même gentillesse et de la même patience pour répondre à toutes mes interrogations”, précise l’ex-portier. C’est qu’il veut connaître tous ses secrets pour progresser. Et ça paye !
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Une passe décisive pour un gardien, c’est rare
A force de travail, d’apprentissage et de bons résultats avec l’équipe réserve, le Nordiste arrive à convaincre ses dirigeants : Pierre Mankowski l’aligne le 22 février 1997 à Toulon. Jérémie connaît son premier match avec les Verts – et sa première défaite (1-0). En 2000, il découvre la première division, et devient un titulaire indiscutable à ce poste. Il détiendra même le record d’invincibilité à domicile en D1 (devenue la Ligue 1) avec 1 534 minutes, soit 17 matchs, sans encaisser le moindre but du 6 novembre 2004 au 21 novembre 2005. C’est époustouflant.
“J’en ai cassé, des portes de vestiaires… qui m’ont toutes été facturées !” – Janot, Sans Filet
Il a choisi le poste de portier pour ne pas à avoir à participer au jeu, la construction d’une action ne l’intéresse pas. Mais il ne se gênera pas de la faire, pourtant. Ainsi, il délivre une passe décisive en 2006 à la Beaujoire, dans le temps additionnel, permettant l’égalisation des Stéphanois (2-2) contre les Nantais.
En très peu de temps, Jérémie est devenu le chouchou du Chaudron. Grâce à son talent et ses prestations, mais aussi grâce à sa personnalité et son excentricité. Du caractère il en a, et le fait remarquer rapidement : en 2004, lorsqu’il encaisse un but du Lyonnais Juninho, il frappe les poteau les deux pieds décollés, une image gravée à jamais dans les souvenirs du derby (entre l’ASSE et l’OL).
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Le 21 mai 2005, il se distingue avec un maillot Spiderman lors d’une rencontre contre Istres, allant jusqu’à porter une cagoule pour la photo officielle. Jérémie n’a pas peur non plus de s’afficher avec un T-shirt « Principauté du Groland ».
Il se souvient encore de la tête d’Elie Baup, son entraîneur, le jour où celui-ci découvre son tatouage tribal sur le crâne, en hommage à Wanderlei Silva, le champion brésilien de MMA.
Ici, il est inévitable de ne pas aborder les derby rhodaniens, et quand il s’agit de jouer face à Lyon, Jérémie Janot n’est pas sage comme une image. Lui, qui a l’habitude de se faire insulter violemment par les supporters lyonnais, réplique, en général, par des doigts d’honneur. Au départ, ça l’a peut-être déconcentré, mais, avec le temps, il a pris ça avec le sourire. En 2006, il envisage même de rentrer sur le terrain avec un maillot du Milan AC, club qui avait éliminé les rivaux lyonnais en quart de finale de la Champions League, la même saison.
« Je suis trop tactile pour entraîner les filles »
Tout cela fait partie pour lui du folklore, c’est ce qui fait vivre une rivalité. Et pourquoi raconte-t-il tout cela dans un livre ? A quoi bon une autobiographie à son âge ? Quand Julien Gourbeyre le contacte pour écrire son autobiographie, Jérémie n’est au départ pas très chaud, mais l’idée de “laisser une trace à (ses) enfants” a fini par le séduire, a-t-il révélé au micro de RFI, le 17 mai dernier.
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D’ici, il poursuit son chemin dans le milieu du foot. Après avoir entraîné brièvement les gardiens de l’ASSE et trois ans ceux d’Auxerre, il a refusé le poste d’entraîneur des gardiennes de l’équipe de France (actuellement en phase de Coupe du monde), pour une raison bien particulière, qu’il explique dans une interview au Parisien : “Je pense que j’ai les qualités pour aider les gardiennes de but. Mais ma méthode de travail, c’est de serrer les gens dans mes bras. Et souvent, je mets des mains aux fesses des gars. C’est un rituel. Si je fais ça par réflexe à une fille, ce serait complètement déplacé. Et c’est vraiment pour cela que j’ai dit non. »
Le tcho gamin retournera plutôt dans le nord de la France auprès des siens, l’année prochaine, lui, le gardien “100% made in La Briquette” (quartier de Valenciennes, donc, ndlr) comme on pouvait lire sur son T-shirt qu’il portait pour le match Valenciennes – Saint-Etienne du 9 mai 2007. Le nouvel entraîneur des gardiens du Valenciennes FC, en Ligue 2, n’a jamais oublié ses origines… / Julien Panafieu